NETTALI.COM -  Aminata Touré est partie pour perdre la bataille engagée contre le régime du Président Macky Sall à travers sa proposition de loi limitant l'exercice de fonctions et responsabilités dans les Institutions de la République en rapport avec l'existence de liens familiaux avec le président de la République.

Après avoir eu un grand coup médiatique, cet acte de l’ancien Premier ministre risque de durer le temps d’une rose. Car, cette proposition de loi n’a aucune chance de prospérer. C’est du moins l’avis d’un ancien parlementaire sous le couvert de l’anonymat. Il affirme : «Une telle proposition de loi est irrémédiablement destinée à l’irrecevabilité constitutionnelle», a-t-il avisé. En réalité, cette proposition de loi de Mimi Touré est anticonstitutionnelle. Elle viole les dispositions de la Constitution sénégalaise qui, selon notre interlocuteur, bannissent toute forme de discrimination fondée sur l’origine (ascendance ou descendance familiale), la religion, le sexe. Ce principe est prévu dans le premier article de la Constitution qui dispose : «La République du Sénégal est laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion. Elle respecte toutes les croyances».

Et, notre interlocuteur d’ajouter : «La loi fondamentale fait sienne la déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen de 1789». Cette position est confortée par un éminent professeur de droit constitutionnel qui admet le caractère anticonstitutionnel de cette proposition de loi de l’ancien Garde des Sceaux, ministre de la Justice, Aminata Touré. L’universitaire, rappelant le préambule de la charte fondamentale qui pose tous ces principes sur la non-discrimination, l’égal accès des citoyens, affirme qu’une loi ne peut pas venir contredire la Constitution. «On ne peut pas, à travers une loi, venir restreindre tous ces principes de la Constitution», lâche le professeur de droit.

Et même dans la forme, cette proposition de loi de Mimi Touré ne peut pas aboutir. Ses chances d’arriver au niveau de la commission ou en plénière sont très limitées ou même inexistantes. Il est admis qu’un député peut faire une proposition de loi dans les matières qui sont du domaine de la loi limitativement énumérées par l’article 56 de la Constitution. «Mais, une fois déposée par lettre adressée au président de l’Assemblée nationale, le texte est examiné par le bureau aux fins de contrôle de sa recevabilité. Et même si ce filtre saute, la proposition de loi est envoyée, pour avis, au président de la République qui s’y prononce dans les dix jours (article 60 de la loi organique portant règlement intérieur de l’Assemblée nationale). En cas de désaccord, le Conseil constitutionnel, à la demande du président de l’Assemblée nationale, de l’Assemblée nationale ou du Premier ministre, statue dans les huit jours (article 83 de la Constitution)», explique un ancien député. Qui souligne que les propositions de loi doivent être examinées par l’Assemblée nationale lors de la session au cours de laquelle elles ont été déposées ou, au plus tard, au cours de la session ordinaire suivante ou d’une session extraordinaire à cet effet (article 60 du règlement intérieur).

Il ressort des explications de notre interlocuteur que la proposition de loi de Mimi Touré peut être freinée avant même son arrivée au niveau de la commission des Lois pour son examen. Et, même si par extraordinaire les députés avaient adopté cette loi de Mimi Touré, elle sera rejetée au niveau du Conseil constitutionnel. «Normalement, les sept (7) doivent déclarer cette loi non conforme à la Constitution sénégalaise», indique un professeur de droit constitutionnel. Qui soutient qu’il s’agit d’une loi ordinaire donc si elle est adoptée par les députés, 1/10e des membres de l’Assemblée nationale peuvent saisir le Conseil constitutionnel qui, à son tour, va dire qu’une loi ne peut pas venir apporter des dérogations à des principes constitutionnels".