NETTALI.COM - Les orientations de l’enquête sur la mort de 11 bébés dans l’incendie de la salle du Service de néonatalogie de l’hôpital Mame Abdoul Aziz Sy Dabakh de Tivaouane risquent de paralyser le système de santé de tout le pays, face à l’intransigeance des agents du secteur.
De trois, les mis en cause dans l’enquête sur le drame de Tivaouane sont repassés à deux. Si le directeur des ressources humaines de l’hôpital Mame Abdoul Aziz Sy Dabakh, un temps placé en garde à vue, a été libéré, la sage-femme et l’infirmière arrêtées en premier ont été déférées au parquet de Thiès, avant de bénéficier d’un retour de parquet.  Une évolution qui ne risque pas d’arranger la situation dans cette structure sanitaire où les travailleurs observent une grève depuis lundi pour soutenir leurs collègues placés en détention.
Toujours en mouvement d’humeur, ils ont, selon EnQuête, reçu l’appui de l’Alliance des syndicats autonomes de la santé And Gueusseum (Sutsas-SUDTM-SAT Santé/D-CNTS Santé-SAT/CL). Ce qui menace le fonctionnement de la majorité des structures sanitaires au plan national.
Aux côtés de ses collègues de l’hôpital Mame Abdoul Aziz Sy Dabakh hier, le secrétaire général du Syndicat démocratique des travailleurs de la santé et du secteur social (SDT2S) a assuré du soutien de la plateforme qui regroupe la majorité des syndicats du secteur de la santé au Sénégal. “Une réunion d’urgence d’And Gueusseum a été convoquée pour établir un plan d’action au niveau national, informe Cheikh Seck. On n’en fera pas moins que ce que ces agents de Tivaouane sont en train de faire. Si on continue sur cette voie, nous irons tous en prison. Et autant arrêter ce métier, si c’est vers quoi nous allons’’.
“Si l’on continue sur cette voie, nous irons tous en prison’’
Les agents de l’hôpital de Tivaouane ont simplement arrêté toute intervention, exigeant la libération des deux femmes avant de reprendre le travail. Elles seraient toujours en détention pour “délaissement d’un enfant dans un endroit solitaire ayant entraîné la mise en danger de la vie d’autrui’’.
D’autres éléments précisent même qu’elles auraient raconté des contrevérités pour se “couvrir”, alors qu'elles auraient failli à leurs responsabilités de surveillance en permanence de la salle où se trouvaient les bébés. Malgré tout, les agents de la santé se montrent solidaires. À l’image d’un Cheikh Seck qui estime qu’il faudrait d’abord établir le certificat de genre de mort avant de désigner une culpabilité sur un décès : “Ces enfants sont morts des suites d’un incendie déclenché par un court-circuit dû à une mauvaise installation. En quoi une sage-femme ou une infirmière est coupable de cette situation ? Nous ne refusons pas que des coupables soient sanctionnés. Mais attendons que la justice établisse les responsabilités des faits.’’
Dans un rapport du Comité sénégalais pour la sécurité des usagers de l'électricité (Cossuel) commandé par les enquêteurs, les spécialistes ont détecté 12 anomalies du système d’électrification de la salle de néonatalogie de l’hôpital où le drame s’est produit. Il s’agirait, entre autres : de “l’absence de schéma électrique (non disponible)’’, du “non-respect des sections des câbles”, du “non-respect du principe de l'équilibrage des phases”, de “l’absence de plastrons sur le tableau électrique”, de “conducteurs électriques sans borniers de raccordement”, de “trois disjoncteurs modulaires 16A défectueux”.
Les agents de la santé indexent les auteurs des installations électriques défectueuses
Pour les syndicalistes de la santé, il est clair que cette piste devrait être suivie par les enquêteurs, au lieu de s’orienter vers l’infirmière et la sagefemme encore en détention. “Et comme on l’avait fait avec l’affaire des sages-femmes à Louga, nous allons tous nous mobiliser’’, assure le secrétaire général de la SDT2S.
Dans cet autre scandale, Astou Sokhna est morte enceinte à l’hôpital, en attendant qu’on lui donne les soins qu’elle réclamait en vain. Trois sages-femmes ont été condamnées, le 11 mai dernier, à six mois de prison avec sursis, pour “non-assistance à personne en danger”.
Pour permettre à leurs collègues de rentrer chez eux le plus rapidement possible, les syndicalistes demandent l’intervention des autorités religieuses, avant que la situation n’empire. C’est aussi un appel à l’endroit du khalife général des tidianes, Serigne Babacar Sy Mansour. Selon Cheikh Seck, “les agents sont sous le sort du procureur de la République, qui dépend du ministre de la Justice, qui dépend du président de la République. Donc, la séparation des pouvoirs, on n’y croit pas. Tout ça, c’est l’Exécutif’’. Si une frange de la société peut avoir une influence sur le pouvoir, c’est la classe maraboutique. Peut-être au grand dam de l’établissement de toutes les responsabilités.