NETTALI.COM - Le manque de modération de la messagerie laisse se propager la désinformation. Et sa neutralité, à laquelle tient son créateur, est plus que jamais en question, selon le site du journal français Challenges.

Des intrigues s'y nouent, les complots y prospèrent: bienvenue sur Telegram, la cinquième messagerie la plus téléchargée du monde. Appréciée des milieux politiques comme des cercles criminels, l'application, inventée en 2013 par Pavel Durov, un informaticien russe de 37 ans, avec son frère mathématicien Nikolaï, rivalise avec les plateformes WhatsApp ou Signal. Plus de 500 millions d'utilisateurs s'y connectent chaque mois pour échanger sur des boucles de discussion privées. Mais aussi pour s'informer, partager des fichiers, ou acheter de faux documents.

La guerre en Ukraine a ravivé les inquiétudes autour de sa neutralité. Les experts en cybersécurité redoutent que l'application ne soit utilisée comme une arme de désinformation dans le conflit. "Depuis le début de l'invasion russe, le nombre de groupes en lien avec la guerre a été multiplié par dix, constate le chercheur israélien Oded Vanunu, de l'institut Check Point Research, basé à Tel-Aviv. Telegram n'est plus une simple messagerie. C'est devenu à la fois un réseau social, un moteur de recherche et une place de commerce."

A l'abri des blocages russes

Tout peut être dit sur Telegram, sans risque d'être censuré. La charte d'utilisation assure "protéger vos échanges privés contre l'espionnage de toute personne tierce, comme les fonctionnaires ou les employeurs". L'application s'engage à ne pas répondre aux demandes des gouvernements "en matière de censure", à l'exception de la lutte contre le terrorisme. Elle promet de ne jamais lever l'anonymat de ses utilisateurs et affirme les protéger. Or elle utilise leur numéro de téléphone pour les inscrire. "C'est l'une des premières failles de l'application, juge Thomas Baignères, cryptographe et fondateur de la messagerie sécurisée Olvid. L'annuaire de Telegram est stocké sur leurs serveurs mais personne n'est en mesure de dire où ceux-ci se trouvent. Un point soulevé par de nombreux experts, qui y voient une possible porte d'entrée pour espionner les échanges."

En réalité, le chiffrement de bout en bout des messages passe par des serveurs ouverts et reste très partiel puisqu'il ne concerne que les échanges pour lesquels l'option "conversation secrète" est activée. Encore faut-il le savoir! "Les données d'échanges sont stockées dans plusieurs centres à travers le monde", répond Telegram, qui possède des entités juridiques à Dubai, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis.