CONTRIBUTION - « La nation, comme l'individu, est l'aboutissant d'un long passé d'efforts, de sacrifices et de dévouements ». E. RENAN

Les media sont des divinités de la fantaisie : ils sont les seuls capables de transformer un athée en prophète de Dieu. Zemmour, intellectuel proclamé, polémiste a inondé de mensonges le plateau de BFM/TV. Ce type est probablement un névrosé : il déclare que l'Islam est soumission, donc contre la liberté ; séparatiste, donc contre l’égalité ; que l'Islam est fractionniste, communautariste, donc contraire à la fraternité. Conclusion : la devise de la France est déconstruite par l'Islam. Comment un intellectuel peut faire une construction pareille ? Pareil sophisme ? La soumission (qui n’est d’ailleurs spécifique à l’Islam) est à Dieu et concerne l’individu en tant que croyant. Cette soumission à Dieu (le transcendant) n’est pas contraire à la liberté, c’en est même, dans certains cas, la condition. Sartre a dit à juste titre que toute croyance est conscience (projet) de croyance, donc un choix. Et croire en Dieu peut être une garantie contre l’aliénation. C’est vrai la foi peut être aliénante, mais la loi laïque également ! Ce qui est étrange, c’est que Zemmour se dit républicain, donc laïc, mais veut faire de la religion chrétienne le ciment de la nation française.

Sur le thème de l’immigration en France, Zemmour montre qu’il est juste une imposture intellectuelle. Comparer l'immigration en France des IXe et XIX e S et celle à l'époque de la mondialisation, en valeur absolue, il faut être malhonnête pour le faire ! Chaque immigration est fille de son époque. C’est quand même invraisemblable : l’ouverture du monde actuel, l’interconnexion, les moyens de transport, l’explosion démographique due en partie aux progrès de la médecine, etc. qui caractérisent notre époque sont incommensurables à ceux des époques évoquées par Zemmour.

Quelle mauvaise foi de la part de cet apôtre de l’apocalypse civilisationnelle ! « Peur existentielle de disparaître, d’être expropriés de leur territoire » : les expressions pathologiques, émotives sont toujours destinées à fouetter les passions, à attiser la haine entre communautés et entre individus. J’ai cru entendre la lecture de quelques passages de Mein Kampf. Ce monsieur est un architecte de la haine : « en 2050, si on ne fait rien, la France sera un Liban en grand, c’est-à-dire un pays où les communautés sont face-à-face et ce, après avoir été longtemps côte-à-côte ». Zemmour semble oublier qu'une nation n'est pas statique, qu'elle est dynamique.

« Dans les années 1960 il y avait 15 crimes pour 1000 hbts aujourd'hui il y en a 60 pour 1000 » : cette progression de la criminalité est valable dans toutes les sociétés modernes. Il prétend que 25% de la population carcérale est constituée de non français alors qu'elle représente seulement 15% de la population : il prend l'effet pour la cause. Cet homme est en train de voiler la réalité : les contrôles en France sont d'abord de faciès, ensuite les fils d'immigrés sont victimes de racisme et n'ont souvent d'autre réaction que la violence. Ce mythomane ne voit pas que la criminalité est une conséquence de l'échec de la politique française d'intégration.

Dans toutes ses déclarations sur la nation française, il réduit l'intégration à l'assimilation en proposant à l'immigré d'assimiler la langue, la religion chrétienne, bref les cinq éléments que Renan (dont il se réfère paradoxalement) avait écartés comme fondements suffisants d'une nation : la race, la langue, la religion, la communauté des intérêts, et la géographie.

Renan a dit : « Mais qu'est-ce donc qu'une nation ? Pourquoi la Hollande est-elle une nation, tandis que le Hanovre ou le grand-duché de Parme n'en sont pas une ? Comment la France persiste-t-elle à être une nation, quand le principe qui l'a créée a disparu ? Comment la Suisse, qui a trois langues, deux religions, trois ou quatre races, est-elle une nation, quand la Toscane, par exemple, qui est si homogène, n'en est pas une ? Pourquoi l'Autriche est-elle un État et non pas une nation ? En quoi le principe des nationalités diffère-t-il du principe des races ? Voilà des points sur lesquels un esprit réfléchi tient à être fixé, pour se mettre d'accord avec lui-même. Les affaires du monde ne se règlent guère par ces sortes de raisonnements ; mais les hommes appliqués veulent porter en ces matières quelque raison et démêler les confusions où s'embrouillent les esprits superficiels ». En Suisse on a plusieurs langues, plusieurs religions et pourtant c'est une nation ! La Chine n’est certainement pas une nation dans l’entendement de Zemmour, le Sénégal non plus.

« La langue invite à se réunir ; elle n'y force pas. Les États-Unis et l'Angleterre, l'Amérique espagnole et l'Espagne parlent la même langue et ne forment pas une seule nation. Au contraire, la Suisse, si bien faite, puisqu'elle a été faite par l'assentiment de ses différentes parties, compte trois ou quatre langues. Il y a dans l'homme quelque chose de supérieur à la langue : c'est la volonté. La volonté de la Suisse d'être unie, malgré la variété de ses idiomes, est un fait bien plus important qu'une similitude souvent obtenue par des vexations. » dit Renan (souligné par nous).

Pourtant comme pour prévenir Zemmour de ses divagations, voici ce que disait Renan sur le critère de la langue dans la détermination d’une nation « Quand on y met de l'exagération, on se renferme dans une culture déterminée, tenue pour nationale ; on se limite, on se claquemure. On quitte le grand air qu'on respire dans le vaste champ de l'humanité pour s'enfermer dans des conventicules de compatriotes. Rien de plus mauvais pour l'esprit ; rien de plus fâcheux pour la civilisation. N'abandonnons pas ce principe fondamental, que l'homme est un être raisonnable et moral, avant d'être parqué dans telle ou telle langue, avant d'être un membre de telle ou telle race, un adhérent de telle ou telle culture. Avant la culture française, la culture allemande, la culture italienne, il y a la culture humaine. ». Mais Zemmour lit les auteurs en fonction de ses préoccupations idéologiques.

Ce monsieur prétend que la France risque d’être colonisée par les Africains et les arabes. Mais il oublie la politique de pillage systématique, dont les pays d’origine de ces citoyens français ont été et sont encore victimes de la part de la France,. Etrangers et réduits en esclaves dans leur propre pays, pourquoi ne désireraient-ils pas suivre la destination des richesses qu’on leur a volées ?

Alassane K. KITANE