CONTRIBUTION - Le 2 mars 2019 le Sénégal déclarait le premier cas de covid19 importé de France via l’aéroport Blaise Diagne. Le gouvernement a dès lors pris des mesures exceptionnelles pour faire face à la pandémie dont on ne savait rien sinon qu’elle se propageait à très grande vitesse dans tous les continents occasionnant de nombreux décès.

Faute de traitement curatif ou préventif, tous les pays cherchaient des solutions immédiates pour circonscrire le virus et apporter les soins symptomatiques aux malades. Parallèlement la course au vaccin était lancée.

18 mars: la guerre est déclarée

Conscient de notre vulnérabilité face à cette catastrophe à nos portes, le pays entier, y compris les partis politiques, fit bloc derrière le gouvernement. L’assemblée nationale accorda au président une partie de ses prérogatives assorties d’énormes moyens financiers. Un plan de résilience de 1000 milliards fut adopté pour essentiellement maintenir la survie de l’économie, desquels 64 pour la santé, 69 pour l’assistance alimentaire etc…

La communication du ministère de la santé se fondait sur un point de presse quotidien à 10h annonçant au peuple angoissé le nombre de contaminations, leur mode (contact, communautaire ou importé), le nombre de morts, les communes affectées et dans le même temps, rappelant les mesures barrières. Ce fut le branle-bas de combat: couvre-feu, état d’urgence, fermeture des écoles, des aéroports et interdiction de se déplacer entre les régions... L’arrêt des activités non essentielles fut décidé, les horaires de travail réaménagés, le télétravail et le télé-enseignement privilégiés quand c’était possible, et les marchés nettoyés ; certains ne l’avaient pas été depuis des dizaines d’années !

Du côté de la santé, décision fut prise d’ouvrir des centres de traitement dédiés (CTE) et mise à niveau des dispensaires et hôpitaux. Très vite, le peuple s’est posé des questions sur l’approche choisie par l’état. En effet, mettre l’accent sur la question alimentaire avec des marchés de près de 60 milliards attribués sous forme de gré à gré pour acheter, acheminer des denrées laissait percevoir une occasion saisie par les autorités en charge de ce volet d’enrichir des personnes sous le prétexte d’urgence. La photo du président le montrant devant une montagne de sacs de riz a troublé l’opinion qui attendait des images de ses visites sur les sites des opérations sanitaires.

De même, les centaines de milliards annoncés pour aider différents secteurs d’activités n’ont pas encore fini d’interroger les citoyens sur les réels destinataires. En outre, le comité de pilotage promis pour édifier les citoyens sur la gestion de ces fonds fut transformé en comité de suivi qui ne rendait plus compte qu’au président de la république. Pour finir, le ministre, beau-frère du président, chargé du volet social avec la distribution des vivres se permit de dire publiquement ne pas être obligé de rendre compte à l’OFNAC sur sa gestion.

11 mai: vivre avec le virus 

Devant les nombreux impacts du confinement en particulier sur le secteur informel, le couvre-feu et les interdictions de rassemblement furent de moins en moins respectés, le président changea de cap dans la riposte sanitaire. Il fallait, dorénavant vivre avec le virus. Ce discours eut pour effet un relâchement général de la population dans le respect des mesures barrières, seul réel rempart contre la flambée de l’épidémie. On vit le président et ses ministres organiser des tournées avec forte mobilisation de militants qui chantaient et dansaient sans masque. Il faut noter que si le taux de contamination avait significativement diminué, les cas sporadiques persistaient toujours.

 Juillet, août, septembre et octobre : le Sénégal plébiscité ... par lui-même

La communication gouvernementale s’orienta vers l’auto congratulation en laissant entendre que le pire était derrière nous et qu’il prévoyait un rapide retour de la croissance économique. Il laissa divers événements rassemblant des foules énormes se dérouler sans se préoccuper sérieusement du retour sous une forme plus grave de la pandémie dans d’autres pays. Les premières solutions vaccinales furent publiées dans un climat de suspicion. Les technologies utilisées, la durée des essais cliniques et tests, les conditions de conservation et d’acheminement, les effets secondaires et les cibles furent disséqués par les scientifiques et l’opinion publique. Il semblait que c’était la seule issue pour remettre le monde dans l’ancien système de consommation délétère pour l’environnement. Cette pandémie aurait dû être un avertissement et l’occasion de mettre les bases d’une autre façon de vivre. Mais que nenni, il nous fallait revenir à nos vieilles habitudes.

Novembre-décembre : le retour en force du Covid-19

Le virus n’avait pas dit son dernier mot ; il réapparut en se mutant selon un scénario digne des films de fiction que Hollywood affectionne tant. Européens, américains, chinois et russes décidèrent quels vaccins adopter parmi ceux homologués par l’OMS. Sous nos cieux, le scénario du début de l’année se remit en place, les cas de contamination recommencèrent partout dans un contexte de défiance de la population vis-à-vis du gouvernement. Celui-ci persistait dans l’idée de vivre avec le virus avec l’idée d’autosatisfaction dans la réponse à l’épidémie.

 Janvier: inquiétude et divorce

Aujourd’hui, la moyenne de contagion journalière tourne autour de 13% et l’on compte souvent une dizaine de morts par jour. Donc, la situation est grave ! La gestion nébuleuse du fonds Covid, la persistance des nombreuses difficultés du secteur de la santé et l’accaparement des pouvoirs avec des visées politiques ont définitivement discrédité Macky Sall et son équipe aux yeux de la population. Le malaise provient du manque de transparence sur l’usage effectif de ces fonds. En particulier, l’on se demande pourquoi nos infrastructures sanitaires sont toujours aussi insuffisantes et sous équipées et les sénégalais aussi vulnérables face à toutes les maladies, où en sont les équipements des CTE et pourquoi le personnel médical réquisitionné manifeste pour réclamer leur salaire? Côté gouvernance, pourquoi les dysfonctionnements dans l’attribution des marchés sont restés sans suite  ? Et enfin pourquoi n’avons-nous pas connaissance du rapport final du comité de pilotage dirigé par le Général François Ndiaye?

La communication consistant en autosatisfaction permanente ne peut occulter la réalité vécue par les populations qui voient la progression de la maladie et s’inquiètent du nombre de cas graves et de morts mais aussi de l’abandon des personnes affectées par les autres pathologies. Le discours 31 décembre du président s’est beaucoup appesanti sur ses réalisations économiques laissant peu de place à la situation sanitaire et ses conséquences mais aussi à sa stratégie pour 2021. Les citoyens avaient besoin d’être rassurés, et les propos centrés sur la personne du président passaient à côté de ce qui était attendu en ces moments de désarroi profond. En décrétant une semaine après et très brutalement un état de siège à appliquer immédiatement dans deux régions alors que les chiffres augmentent sérieusement partout dans le pays, l’équipe gouvernementale n’est plus cohérente. En laissant les enfants, principaux vecteurs de la maladie, étudier dans des classes bondées, le prétexte de la nécessite de l’état de siège n’est pas valable. Le décalage observé entre l’auto satisfécit distillé dans les médias et l’impréparation qu’on observe pour la gestion de la 2ème vague interroge les populations.

En mettant en avant la répression plutôt que les explications passant par les relais communautaires, il est sûr que l’adhésion massive de la population ne sera pas au rendez-vous de si tôt. La réalité est que le système sanitaire est au bord de la crise : des médecins démotivés et un personnel insuffisant, des CTE saturés avec pénurie d’oxygène dans certains d’entre eux... L’hospitalisation à domicile pose problème dans un pays où les familles nombreuses sont la règle et la promiscuité fréquente dans les foyers. Pourquoi s’arroger des pouvoirs supplémentaires de l’assemblée nationale alors que la question d’urgence est sanitaire ?

Le vaccin, seule porte de sortie

Compte-tenu de tous ces facteurs, il sera difficile de convaincre que la vaccination d’une cible de la population est sans danger et constitue la meilleure solution disponible ? Et pourtant, je partage cette voie !! Tout cela pour dire que le peuple mérite le respect. Cela suppose que le président fournisse des explications sur l’état réel de la situation sanitaire plutôt que l’obstination à s’octroyer des pouvoirs supplémentaires. Il nous habitué à ruser au lieu de travailler sérieusement, à réprimer au lieu d’expliquer, à privilégier les intérêts de lobbies au détriment nos forces et finalement à n’œuvrer que pour récolter des subsides politiques et très rarement pour l’intérêt du peuple. Ce mélange d’atermoiements, de répression et de renforcement de ses pouvoirs dans un contexte de non réponse aux véritables questions de la crise sanitaire donne une impression au mieux d’amateurisme au pire d’incompétence mêlée à un sordide calcul politique. Le Sénégal mérite mieux.

(Avec SUD QUOTIDIEN)