NETTALI.COM - Son boycott de l'hymne américain avait engendré un mouvement national de protestation contre les violences policières touchant les Afro-américains. Blacklisté de la Nfl depuis 2017, Kaepernick n'est toujours pas retourné sur un terrain.

C'était il y a quatre ans. Alors que résonnent les notes du Star-Spangled Banner avant le match de football américain entre les San Francisco 49ers aux Green Bay Packers, le quarterback des premiers cités ne se lève pas comme le veut la coutume, et pose son genou droit sur le sol, en signe de protestation contre les meurtres de plusieurs Noirs par des policiers blancs. Le tout, en pleine campagne présidentielle américaine, dans une ligue traditionnellement conservatrice. Ce geste, immédiatement historique, lui vaut d’être traité de “fils de pute” par le candidat Donald Trump, dénonçant alors le manque de respect envers le drapeau américain, quitte à relancer le débat sur le patriotisme. Le frondeur, lui, se retrouve mis au ban par la National fooball league (Nfl) : libre de tout engagement à l’issue de l’exercice 2016-2017 après avoir mis fin à son contrat, il se voit blacklisté par toutes les franchises du circuit, malgré les besoins criants de certaines équipes à son poste. Depuis le 25 mai, son action s’est vue réhabilitée après que Derek Chauvin a posé son genou, non à terre, mais sur le cou de George Floyd, jusqu’à le tuer. Deux images juxtaposées par la star de la Nba LeBron James avec ce message : "Vous comprenez maintenant !!?? Ou c’est toujours flou ?"
Suite à la mort de George Floyd, le nom de Kaepernick est d’ailleurs claironné un peu partout, à défaut de l’entendre dans les travées des enceintes de football. Au point d’être chanté lors des funérailles de George Floyd, à Houston. Mais qu’en est-il de la trajectoire de l’ex-quarterbac des 49ers depuis 2016 ?

Récompenses et combats

Son éviction des terrains de football laisse d’abord place à une longue période de silence. Silence rompu lors d’un discours prononcé sur la
scène du Beverly Wilshire (Beverly Hills), à l’occasion du gala de l’Union américaine pour les libertés civiles (Aclu), où il reçoit le prix “Eason Monroe” du courage. Autres récompenses : le “Muhammad Ali Legacy Award” remis par le magazine Sports Illustrated et en avril 2018, c’est le prix “Ambassadeur de la conscience” d’Amnesty International qui lui revient, pour “rendre hommage à son esprit militant et son courage exceptionnel”, selon les mots de l’organisation.
Passées les louanges, le sportif activiste a d’autres combats. Personnel, déjà : toujours sans emploi, il décide de porter plainte en octobre 2017 contre les dirigeants des différents clubs de la Nfl, qu’il juge responsables de son chômage. Il les accuse d’avoir fomenté une entente entre eux afin de ne pas le reprendre. La plainte débouche un an et demi plus tard sur un accord de confidentialité avec l’instance, via lequel Kaepernick aurait touché un dédommagement estimé entre 60 et 80 millions de dollars. Si l’accord est salué par l’association des joueurs de la Nfl, plusieurs observateurs dont certains joueurs pointent le fait que les manigances auraient pu être mises en lumière, mais que la clause de confidentialité empêche la
divulgation d’e-mails ou de messages potentiellement dévastateurs pour la Nfl, qui auraient pu prouver la culpabilité de la ligue dans cette affaire.

Entre-temps, durant l’été 2018, Kaepernick est contacté par Nike qui lui propose de devenir le visage de la firme à l’occasion du 30e anniversaire du slogan Just Do It. La marque à la virgule, liée à Kaepernick depuis 2011, restait jusqu’alors le seul sponsor à ne pas avoir lâché le paria. L’assentiment de “Kap” donne
lieu à une photographie en noir et blanc accompagnée du texte “Croyez en quelque chose. Même si cela signifie tout sacrifier”. Un coup marketing retentissant et inédit : jamais une aussi grosse entreprise n’avait clairement pris position sur un sujet aussi clivant. D’autant que la pub sort… trois jours avant la reprise du championnat. De quoi ulcérer les partisans pro-Trump, dont certains n’hésitent pas à mettre le feu aux vêtements à l’effigie de l’équipementier, répondant au hashtag
#JustburnIt lancé sur Twitter.

Retour en Nfl?
Hormis cette action d’éclat, le natif de Milwaukee continue d’agir dans son coin. Son engagement transparaît au travers de Kaepernick Publishing, une maison d’édition créée l’année dernière afin de mettre en avant les écrits issus des minorités, dans des “conditions jamais vues concernant la propriété sur leur œuvre”, d’après un communiqué. Le dimanche du Superbowl 2020, il offre des costumes à des ex-détenus tout juste sortis de prison afin de passer des entretiens d’embauche, raconte Kevin Livingston, le fondateur de l’association “100 Suits for 100 Men”. Même s’il n’a pas enfilé son casque depuis deux ans, il se retrouve à la 57e place des sportifs les plus influents de la planète selon le classement de " World Fame 100 établi par ESPN l’année dernière.
Certains réclament avec insistance et des excuses, et le retour du numéro 7 désormais âgé de 32 ans sur les terrains. La Nfl a bien tenté d’organiser un entraînement pour qu’il parvienne à convaincre des franchises de l’engager
début 2019, sans succès. “Je ne pense toujours pas que [la Nfl] a bien compris. Tant qu’ils ne s’excuseront pas ou ne lui trouveront pas une équipe, je ne pense pas qu’ils finiront du bon côté de l’histoire”, a estimé le joueur des New Orleans Saints, Malcolm Jenkins, sur Cbs, le jour des obsèques de George Floyd. Au cours de l’éloge funèbre très politisé qu’il rend au défunt, le révérend Al Sharpton consacre un chapitre à l’attention de Kaepernick et la Nfl : “Il y a unjoueur qu’ils ont ignoré et ne reconnaissent plus, c’est Colin Kaepernick. Si cela n’est pas réparé, alors tout le reste n’a aucun sens […] Réparez les dommages que vous avez causés à la carrière de celui que vous avez laissé tomber […] Nous ne voulons pas d’excuses, nous voulons réparation.”
Pas de sortie de l’intéressé sur ce sujet, même si on rapporte qu’il serait “plus motivé que jamais” à l’idée de rejouer. Il n’a toutefois pas manqué de réagir à la mort de George Floyd via un tweet : “Lorsque l’obéissance mène à la mort, la révolte est la seule réaction logique. Les appels à la paix vont pleuvoir, et quand ce sera le cas, ils tomberont dans l’oreille d’un sourd, car votre violence a provoqué cette résistance. Nous avons le droit de riposter !” Ni d’agir : avec Know Your Rights Camp, la plateforme qu’il a créée et financée pour faire valoir les droits des personnes de couleur, il vient de proposer ses services aux activistes de Minneapolis.