NETTALI.COM - La visite du président Bassirou Diomaye Faye en Casamance ne relève pas d’un simple ajustement protocolaire. En optant pour la sobriété et en refusant les mobilisations populaires traditionnelles, le chef de l’État envoie un signal politique fort, à la fois à son camp, à l’opposition et aux partenaires institutionnels.
Sur le plan interne, cette posture marque une tentative de redéfinition de l’exercice du pouvoir. Après une campagne électorale fortement politisée et une arrivée au sommet de l’État portée par une mobilisation populaire intense, le président semble vouloir instaurer une rupture entre le temps militant et le temps institutionnel. En limitant les démonstrations partisanes, y compris de la part de sa propre coalition, Bassirou Diomaye Faye affirme une autorité présidentielle qui se veut au-dessus des logiques de rue et des rapports de force internes.
Cette démarche peut également être lue comme une réponse indirecte aux tensions perceptibles au sommet de l’exécutif. Dans un contexte marqué par des débats récurrents sur la répartition du pouvoir entre la présidence et la primature, la mise en avant d’un style présidentiel épuré permet au chef de l’État de recentrer la légitimité sur la fonction, plutôt que sur la mobilisation politique. Le message est clair : la gouvernance ne se mesure pas à la capacité de rassembler des foules, mais à celle de produire des résultats.
Sur le plan économique, le choix de la sobriété s’inscrit dans un environnement budgétaire contraint. La réduction des dépenses liées aux déplacements officiels participe d’un discours de rigueur adressé à une opinion publique éprouvée par les difficultés économiques. En ce sens, la forme rejoint le fond : la modération dans le style devient un outil de crédibilisation des appels à l’effort et à la discipline budgétaire.
Mais cette orientation comporte aussi des risques politiques. Dans un pays où la proximité physique entre dirigeants et citoyens reste un marqueur fort de légitimité, l’abandon des bains de foule peut être interprété comme une mise à distance. La capacité du pouvoir à maintenir un lien émotionnel avec sa base militante, sans recourir aux démonstrations traditionnelles, constitue désormais un défi stratégique.
Enfin, ce choix ouvre un débat plus large sur l’évolution de la culture politique sénégalaise. En privilégiant l’écoute ciblée aux mobilisations spectaculaires, le président Diomaye Faye tente d’imposer une nouvelle grammaire du pouvoir, plus technocratique et institutionnelle. Reste à savoir si cette transformation s’inscrira dans la durée ou si elle devra être réajustée face aux exigences de la compétition politique et aux attentes populaires.
La sobriété présidentielle apparaît ainsi moins comme un simple style que comme un positionnement politique assumé, révélateur des arbitrages complexes auxquels le nouveau pouvoir est confronté entre rupture symbolique, efficacité gouvernante et maintien de la légitimité populaire.














