NETTALI.COM - L’ancien magistrat Ibrahima Hamidou Dème a vivement critiqué l’attitude des principales figures de l’institution judiciaire, qu’il accuse de passivité face aux attaques répétées du Premier ministre Ousmane Sonko contre la justice. Lors d’une journée de réflexion organisée par Afrika Jom Center, il a dénoncé une “culture de soumission” qu’il juge dangereuse pour l’État de droit et l’indépendance de la magistrature.
Les responsables de l’institution judiciaire sénégalaise se retrouvent une nouvelle fois sous le feu des critiques. Cette fois, l’attaque émane de l’un des leurs. Ancien magistrat et ex-membre du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), Ibrahima Hamidou Dème a livré, mardi dernier, un réquisitoire sévère contre les chefs de juridiction et les instances représentatives des magistrats, qu’il accuse de ne pas avoir réagi avec fermeté face aux critiques publiques visant la justice.
S’exprimant lors de la journée de réflexion organisée par Afrika Jom Center sur le thème « Sénégal, un modèle démocratique à la croisée des chemins », Ibrahima Dème a estimé que le silence observé par les hauts responsables judiciaires fragilise à la fois la justice et l’État de droit. « Les grands chefs de juridiction rasent les murs », a-t-il lancé, estimant que ces figures devraient être en première ligne lorsque l’institution est attaquée.
L’ancien magistrat, qui avait démissionné de la justice sous le régime de Macky Sall pour dénoncer son instrumentalisation à des fins politiques avant d’embrasser une carrière politique, attribue cette attitude à ce qu’il qualifie de « culture de soumission ». Selon lui, cette posture affaiblit durablement la crédibilité de la justice et alimente la perception d’une institution incapable de se défendre face aux pressions du pouvoir exécutif.
Ibrahima Dème cible particulièrement le premier président de la Cour suprême, le procureur général près cette juridiction, ainsi que l’Union des magistrats du Sénégal (UMS). Il déplore le contraste avec une époque où des figures emblématiques comme Kéba Mbaye n’hésitaient pas à défendre publiquement l’indépendance de la justice, quitte à s’attirer les foudres du pouvoir politique.
« Quand le Premier ministre attaque la justice, c’est précisément à ce moment-là que le premier président de la Cour suprême, qui incarne symboliquement le corps judiciaire, doit monter au créneau », a-t-il soutenu. Selon lui, l’UMS devrait également jouer pleinement son rôle de rempart institutionnel. « L’UMS doit défendre l’indépendance de la justice. Or, aujourd’hui, elle se tait », a-t-il regretté.
Tout en reconnaissant certaines avancées enregistrées sous l’actuel pouvoir dans le fonctionnement de l’appareil judiciaire, Ibrahima Dème a mis en garde contre ce qu’il considère comme des réformes superficielles. Il a notamment alerté sur le risque que des changements institutionnels servent à marginaliser ou fragiliser des magistrats jugés trop indépendants.
« Sans volonté politique réelle, toutes les réformes peuvent être contournées », a-t-il prévenu, avant de rappeler que le fondement même de la démocratie repose sur la capacité d’un pouvoir à garantir l’indépendance de la justice, y compris lorsque celle-ci est susceptible de se retourner contre lui. « Défendre la justice, même quand elle peut, demain, s’exercer contre le pouvoir, c’est cela la démocratie », a-t-il conclu.






