NETTALI.COM - La Cour suprême a annulé les deux arrêtés sur la certification des médias pris par le ministre de la communication Aliou Sall. Ainsi, aux yeux de la loi, la Commission d'examen et de validation des déclarations des entreprises de presse devrait être dissoute. Les acteurs saluent une victoire de la liberté de la presse.
La Cour suprême a invalidé les textes qui devaient organiser et formaliser l'enregistrement et la reconnaissance des médias au Sénégal via une nouvelle procédure numérique et une Commission de validation, suite au recours de D média, Zik FM, Sen TV, 3M Universel, E-média Invest, AFRICOME SA, Groupe Sud Communication, EXCAF, Groupe Futurs Médias. La Première chambre administrative de la Cour estime que le ministre Aliou Sall a violé la Constitution et le Code de la presse en vigueur. Ce dernier a outrepassé ses pouvoirs.
En effet, selon le motif, en soumettant toutes les entreprises de presse, sans distinction, à l'obligation d'enregistrement prévue à l'article 68 du Code de la Presse et en renvoyant à des sanctions autres que l'inéligibilité aux avantages accordés par l'État, “le ministre a usé de son pouvoir réglementaire pour imposer aux entreprises de presse des obligations qui ne sont pas prévues par la loi”. Il faut dire que le 1er octobre 2024, le ministre a mis en place une plateforme numérique pour l'identification des entreprises de presse.
À cet effet, il a été créé une Commission d'examen et de validation des demandes d'enregistrements des entreprises de presse du Sénégal. Cet arrêté exige donc que les entreprises de presse, bien qu'ayant déjà respecté les conditions de la loi sur la presse, s'enregistrent sur une plateforme numérique pour être officiellement reconnues. S’estimant lésées, les entreprises plaignantes ont fait remarquer que cette nouvelle condition d'enregistrement et d'attestation enfreint les articles pertinents du Code de la Presse.
Elles parlent de violation de la loi et du principe de non-rétroactivité des lois et des règlements. Et d'après les articles 8 et 11 de la Constitution, la création d'un organe de presse pour l'information n'est soumise à aucune autorisation préalable et l'activité de presse est une liberté fondamentale qui s'exerce dans les conditions prévues par la loi. Quant à l'enregistrement auprès du ministère en charge de la Communication, il peut donner droit à tous les avantages et obligations inhérents au statut d'entreprise de presse écrite.
“Le droit vient d’être encore dit pour sanctionner tous les agissements illégaux du ministre de la Communication depuis l’avènement de la 3e alternance politique”, a déclaré le président du Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse du Sénégal (Cdeps), Mamadou Ibra Kane, suite à la décision de la Cour suprême. Il salue une décision qui vient “incontestablement” de renforcer l'État de droit. “C’est notre conviction que les cours et tribunaux sénégalais sont le meilleur rempart contre toutes les dérives autoritaires”, a-t-il apprécié.
Il faut dire que cette annulation des arrêtés n°017412 du 29 juillet 2024 et n°024462 du 1er octobre 2024 du ministre de la Communication, des Télécommunications et du Numérique a des conséquences majeures. Cela implique la disparition des nouvelles procédures. En effet, la plateforme numérique pour l'identification des entreprises de presse n'existe plus légalement. Les entreprises de presse ne sont plus tenues d'utiliser cette plateforme pour se faire reconnaître ou s'enregistrer.
Les décisions basées sur ces décrets désormais “entachées de nullité et de nul effet”
Ainsi, aux yeux de la loi, la Commission d'examen et de validation des déclarations des entreprises de presse doit être dissoute. Ses décisions et son rôle de filtre n'ont plus de base légale. Autrement dit, le cadre juridique existant avant ces deux arrêtés de juillet et octobre 2024 redevient applicable. À en croire Mamadou Ibra Kane, le jugement a déjà des effets immédiats. “D’ores et déjà, toutes les décisions prises par le ministre de la Communication basées sur ces décrets sont entachées de nullité et de nul effet”, a-t-il indiqué.
Au-delà de la plateforme et de la commission de validation des entreprises de presse, le dépôt des demandes au niveau du Fonds d’Aide à la Presse (FADP) est concerné, selon lui. M. Kane dénonce d’ailleurs le “détournement d’objectifs et la distribution de fonds publics sans aucune base légale” concernant le déblocage de fonds pour le Cored, la Commission nationale de la carte de presse et la Maison de la presse.
Il y a, dénonce-t-il, une répression continue et féroce contre la presse indépendante. Asphyxie fiscale de la presse, rupture unilatérale et illégale des contrats publicitaires avec l’État, confiscation de bouquets télévisuels et coupures de signal, blocage de la subvention aux médias depuis deux ans, exclusion de la presse privée des manifestations publiques et des délégations à l’étranger (qualifiée d'hérésie du parti-État).
Autant de pratiques observées depuis l’arrivée du régime actuel que dénonce le Cedeps. Qui regrette aussi les conséquences humaines. En effet, elle a relevé qu’après 21 mois, des milliers de travailleurs des entreprises de presse ont perdu leurs emplois, du journaliste au coursier, des familles plongées brusquement dans la pauvreté, les ménages disloqués, des enfants sans scolarité ni couverture médicale.






