CONTRIBUTION - À Monsieur le Président de l’Assemblée nationale du Sénégal.
Monsieur le Président,
Il est temps que le Sénégal affronte avec lucidité la crise structurelle qui frappe notre institution parlementaire. L’Assemblée nationale, qui devrait être le cœur de la République, fonctionne aujourd’hui de manière défaillante. Les dérives observées ne sont ni fortuites ni anodines. Elles découlent d’une culture politique où l’appartenance partisane domine totalement l’esprit de représentation nationale. Le mandat parlementaire se réduit trop souvent à applaudir son camp, à huer l’opposant et à suivre les consignes des leaders, au détriment de toute intelligence critique.
À cela s’ajoute une faiblesse inquiétante des compétences de plusieurs élus. Beaucoup ne maîtrisent ni la procédure législative, ni les enjeux économiques, ni les fondements du contrôle parlementaire. Certains ignorent même la mission constitutionnelle du député, tout en excellant dans l’art de la clameur ou de la gesticulation. Cette situation empêche tout travail législatif sérieux.
La parité, qui aurait dû être un levier d’équité et de compétence féminine, est trop souvent devenue un outil de stratégie politique. Ce glissement porte préjudice à l’institution mais aussi aux femmes elles-mêmes, car il brouille la distinction entre représentativité et qualifications réelles. Il est indispensable que l’hémicycle accueille des femmes formées, capables et engagées, et non des profils choisis pour leur loyauté partisane.
Le mandat parlementaire est devenu pour certains un moyen d’ascension sociale plutôt qu’un service à la Nation. Les avantages matériels garantis indépendamment de l’assiduité favorisent l’opportunisme. Il devient nécessaire de conditionner la rémunération au travail réel, de rendre publiques les statistiques d’assiduité et de renforcer l’exigence de responsabilité.
La plus grande perte demeure toutefois celle de la culture du débat. L’Assemblée n’est plus un lieu de réflexion collective mais un espace de confrontation permanente. Les commissions, au lieu d’être les laboratoires de la République, fonctionnent souvent comme de simples formalités dépourvues d’expertise et de rigueur.
Réhabiliter l’Assemblée nécessite des réformes profondes. Il faut rendre la compétence obligatoire par la formation et l’évaluation, restaurer la discipline républicaine en sanctionnant les comportements indignes, renforcer les commissions avec un apport d’expertise indépendante et repenser la parité afin qu’elle incarne réellement l’excellence féminine du pays.
La crise que traverse votre institution n’est ni un accident ni une fatalité mais le résultat d’une complaisance prolongée. Si le Sénégal veut retrouver une Assemblée à la hauteur de son peuple, il faudra reconnaître qu’une démocratie ne peut prospérer que lorsque ceux qui la représentent sont à la hauteur de ceux qui les élisent. Il ne s’agit plus seulement d’améliorer l’institution. Il s’agit véritablement de la sauver.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma haute considération et l’assurance de mon dévouement à la défense de l’intérêt général