NETTALI.COM - Le ministère des Finances a publié le rapport d’exécution budgétaire du troisième trimestre 2025. Au-delà des chiffres, ce document offre un aperçu précis de la situation financière du Sénégal à un moment où les tensions politiques internes et les dégradations successives des notations souveraines alimentent les inquiétudes.

À fin septembre, les recettes publiques atteignent 3 254 milliards de francs CFA, tandis que les dépenses exécutées s’élèvent à 4 313 milliards, soit un déficit de 1 059 milliards avant même la clôture de l’exercice.
Cette dynamique confirme que l’État finance désormais une part importante de ses charges par l’endettement plutôt que par ses ressources propres.

Le rapport indique que 3 655,8 milliards ont été mobilisés en « ressources de trésorerie ». Il ne s’agit pas de recettes nouvelles, mais essentiellement d’emprunts, dont près de 2 775 milliards levés sur les marchés financiers régionaux sous forme de bons et d’obligations du Trésor.
L’État a ainsi emprunté davantage qu’il n’a collecté en recettes, renforçant sa dépendance structurelle aux financements.

Les charges d’intérêt et de commissions atteignent 705,7 milliards, en hausse d’environ 300 milliards par rapport à l’an dernier. Une part croissante du budget est consacrée au remboursement de la dette, au détriment de l’investissement public.

Alors que les intérêts dépassent largement les prévisions, les investissements directs exécutés par l’État ne représentent que 40,8 milliards, un niveau très faible comparé aux besoins en infrastructures et en services sociaux.

Cette augmentation s’explique notamment par l’intégration d’emprunts extrabudgétaires dans la dette centrale, un choix méthodologique qui gonfle mécaniquement le volume de dette affiché dans les comptes nationaux.

Le rapport détaille également l’exécution budgétaire des 168 organismes publics. Sur un budget global de 2 210 milliards, 76 % ont été consacrés au fonctionnement et 24 % à l’investissement.
Le modèle reste donc largement tourné vers l’administration plutôt que vers le développement.

Les « rétrocessions » — des emprunts contractés par l’État et prêtés ensuite aux entreprises publiques — concernent essentiellement l’hydraulique (34,8 milliards), l’énergie (24,8 milliards) et la santé (0,4 milliard).
En cas de défaut de ces structures, c’est l’État qui assumera la charge finale.

La politique de lutte contre les inondations illustre la faiblesse de la marge de manœuvre budgétaire : 5,6 milliards seulement ont été exécutés dans ce domaine.
Un montant très limité dans un pays confronté chaque année à des dégâts humains et matériels liés aux pluies.

Les marchés financiers et les agences de notation ont réagi aux tensions budgétaires. Plusieurs dégradations de la note souveraine placent le Sénégal dans des catégories considérées comme risquées, telles que CCC+ ou Caa1, parfois avec une perspective négative.

Ces notations reflètent une visibilité jugée insuffisante, des marges budgétaires très limitées et un risque de financement accru.

Conséquence : les investisseurs exigent des taux plus élevés, rendant l’endettement encore plus coûteux.

Le rapport 2025 présente moins de détails que les précédents : disparition d’annexes techniques, absence de listes de projets financés et moins d’informations sur les subventions et transferts.

Cette réduction de l’information rend plus difficile le contrôle citoyen et l’évaluation des politiques publiques, au moment même où la dette explose.

Au-delà des chiffres, la situation budgétaire est affectée par un climat politique marqué par des tensions entre le Président de la République et son Premier ministre.
Cet environnement, perçu comme un « double commandement », crée des incertitudes qui compliquent la conduite des réformes économiques et budgétaires.

Les partenaires techniques et financiers attendent des signaux de stabilité et de cohérence. La rivalité interne ralentit la prise de décision, fragilise la confiance et pèse sur la capacité du pays à mobiliser des financements à des conditions soutenables.

Pris dans son ensemble, le rapport d’exécution du troisième trimestre 2025 trace les contours d’une période charnière : déficit élevé, explosion des charges de la dette, faible niveau d’investissement, dépendance accrue aux marchés, transparence réduite et incertitude politique persistante.

Le Sénégal entre dans une zone où la gestion budgétaire, la communication publique et la stabilité politique deviennent indissociables.
Les prochains mois seront décisifs pour déterminer si le pays parvient à restaurer la confiance ou s’il s’installe durablement dans une situation de fragilité financière.