NETTALI.COM - Le massacre par l’armée française en 1944 au Sénégal, de tirailleurs africains qui réclamaient leurs soldes, a été « prémédité », « camouflé » et son bilan est sans doute largement sous-estimé. C'est ce révèle l'Agence de presse française ( AFP) qui a parcouru en exclusivité, le Livre blanc remis, jeudi, au Président Bassirou Diomaye Faye. 

Le jeudi 16 octobre, le Chef de l'État a reçu un Livre blanc sur le massacre de tirailleurs originaires de plusieurs pays ouest-africains (Sénégal, Côte d’Ivoire, Guinée, Haute-Volta – devenue aujourd’hui le Burkina Faso).  Rapatriés après avoir combattu pour l’armée française, en Europe, lors de la Seconde guerre mondiale, certains ont été massacrés alors qu'ils réclamaient le paiement d’arriérés de soldes avant de rentrer chez eux. Depuis lors, des questions se posent sur les commanditaires d'un tel drame. Le document remis au Chef de l'État apporte une réponse, selon l'Agence de presse française ( Afp ).

La tuerie « devait convaincre que l’ordre colonial ne pouvait être écorné par les effets émancipateurs de la (Seconde) guerre » mondiale sur les colonisés, affirme le comité de chercheurs auteurs de ce Livre blanc. C’est « la raison pour laquelle l’opération a été préméditée, minutieusement programmée et exécutée (…) dans des actions coordonnées », indiquent-ils.

« Il est certain que si les tirailleurs avaient été armés, ils se seraient défendus. Nulle part, le moindre acte de résistance n'a été mentionné », affirment les chercheurs. Qui indiquent que la tuerie ne s'est pas limitée au camp de Thiaroye et à ses abords. A les croire, certains soldats ont été tués à la gare (de Thiaroye) et des blessés, probablement achevés et fusillés au cimetière (de Thiaroye) et en d'autres endroits et transférés là-bas (au cimetière de Thiaroye) pour leur inhumation

S'agissant du bilan, le document contredit les autorités coloniales françaises qui ont affirmé qu'au moins 35 tirailleurs avaient été tués par des troupes coloniales et des gendarmes français, sur ordre d’officiers français.

En effet, d'après les chercheurs, le bilan est sans doute très largement sous-estimé. « Les estimations les plus crédibles avancent les chiffres de 300 à 400 » morts. Dans les jours qui ont suivi le massacre, les autorités françaises ont tout fait pour (le) camoufler, elles ont modifié les registres de départ de Morlaix (port de départ en France) et d’arrivée à Dakar, le nombre de soldats présents à Thiaroye, les causes du rassemblement des tirailleurs… », affirme le rapport.

Toujours d'après le comité de chercheurs mis sur pied en avril 2024 par l'État sénégalais au nom du souverainisme, « certaines archives administratives et militaires sont inaccessibles ou incohérentes, d'autres ont disparu ou ont été falsifiées ». En raison de transferts de documents en France, il y a « une absence significative des sources relatives au massacre de Thiaroye dans les archives restées à Dakar ».

Par ailleurs, les chercheurs dénoncent le comportement de la partie française lors de la mission. « Les recherches dans les archives françaises sur le massacre de Thiaroye, ont certes bénéficié de la collaboration française, mais plusieurs de nos questions et demandes se sont heurtées à un mur d'ombres », fustigent les chercheurs.

Pour finir, l'historien Mamadou Diouf et ses collaborateurs du comité de chercheurs assurent que le rapport « rétablit des faits sciemment cachés ou noyés dans des masses d'archives administratives et militaires et délivrées avec parcimonie ».