CONTRIBUTION -Il faut être Africain pour imaginer, ne serait-ce qu’un instant, qu’un fugitif, ancien dictateur sanguinaire, puisse diriger l’ONU.” Au-delà de l’offense qu’elle représente pour la dignité africaine, cette déclaration de Waly Diouf Bodiang met en lumière un paradoxe politique profond, révélateur des contradictions qui traversent notre espace public. Mais elle soulève aussi une autre question, plus grave encore : comment en eston arrivé à un point où l’outrance remplace l’analyse, et où le débat politique se transforme en un règlement de comptes permanent ?

C’est dans ce climat tendu que s’inscrit l’attitude du PASTEF, dont les positions oscillent entre radicalisme moral et compromission silencieuse. Il n’est pas inutile de rappeler que celui qu’on qualifie aujourd’hui de “fugitif” a quitté le pays à bord d’un vol présidentiel, salué par des mots d’estime de ses successeurs. Un départ encadré par un accord politique opaque, qui interroge sur la sincérité des critiques actuelles.

Le refus du PASTEF d’abroger totalement la loi d’amnistie, malgré ses promesses de vérité et de justice, prive les Sénégalais de réponses sur les drames récents, notamment la mort de jeunes citoyens, galvanisés par des discours incendiaires et un appel au “mortal combat” lancé par Ousmane Sonko. La douleur des familles endeuillées mérite mieux que des silences gênés ou des calculs politiques. La vérité ne doit pas être instrumentalisée : elle doit être dite, pleinement.

Qualifier Macky Sall de dictateur tout en occultant ces zones d’ombre, revient à nier la complexité des responsabilités partagées. À la tête de l’État, il incarnait une autorité régalienne, certes critiquée, mais exercée dans le cadre institutionnel. Refuser aujourd’hui de faire la lumière sur les événements passés revient à assumer une part de dissimulation dont le peuple ne peut être complice.

Plus préoccupante encore est la réaction officielle de la ministre des Affaires étrangères, Yassine Fall, face à une simple rumeur de candidature. Une telle précipitation tranche avec les exigences fondamentales de la diplomatie, qui appellent au sang froid, à la retenue et au discernement. Prendre position de manière aussi catégorique sur une hypothèse non confirmée affaiblit non seulement la fonction qu’elle incarne, mais risque aussi de ternir l’image de la diplomatie sénégalaise. Madame Fall ne nous a, il est vrai, pas toujours habitués à la mesure dans ses prises de parole. Son intervention controversée en Russie, mêlant “pain” et “blé”, résonne encore dans les esprits.

Quant à Aminata Touré, il serait violent de résumer son parcours à une simple trahison. Elle a, en effet, occupé des postes stratégiques et joué un rôle clé aux côtés de Macky Sall durant près de onze années sur les douze qu’a duré son mandat. Toutefois, la virulence de ses prises de position actuelles à l’égard de celui qu’elle a si longtemps soutenu, soulève des interrogations légitimes. Chaque hommage ou reconnaissance accordé à Macky Sall devient pour elle une opportunité de raviver une animosité presque obsessionnelle.

La cohérence et la responsabilité devraient pourtant prévaloir en politique, surtout lorsqu’on aspire à incarner une voix morale dans le débat public.

En démocratie, on ne choisit pas la mémoire à la carte. Les exemples abondent de dirigeants contestés dans leur pays mais soutenus par leurs institutions : Giscard d’Estaing, presque hué à sa sortie de l’Élysée, porta le projet européen ; Platini fut défendu par la France ; Sarkozy resta soutenu dans l’affaire de l’Arche de Zoé ; Abdou Diouf représenta son successeur a un sommet après avoir quitté le pouvoir, avant de diriger la Francophonie.

Au Sénégal, certains s’indignent aujourd’hui à l’idée d’une candidature de Macky Sall à un poste international. Pourtant, il a quitté le pouvoir de manière democratique, après des élections libres, ou il n’était même pas candidat. Il n’est poursuivi pour aucun crime. L’amnistie fut négociée avec ceux qui l’accusent aujourd’hui à demi-mot.

Qu’on l’apprécie ou non, Macky Sall n’a ni incendié des commerces, ni appelé à la violence, ni détruit les institutions. Ceux qui l’accusent devraient aussi interroger leurs propres responsabilités. Pourquoi les ordonnances de non-lieu obtenues en toute discrétion au moment où le débat sur l’amnistie était encore ouvert ? L’histoire en jugera.

Il est temps pour le PASTEF de sortir de cette obsession contre Macky Sall. Le pays a besoin d’un cap, pas de revanche. Un jour, peut-être, les vidéos de Mermoz ou d'autres documents révéleront ce que beaucoup préfèrent taire. Les actes posés dans l’ombre, finissent toujours par émerger à la lumière.

Pendant ce temps, le gouvernement a soutenu la candidature d’Amadou Hott à la présidence de la BAD. Mais là encore, des zones d’ombre subsistent quant à la fiabilité des indicateurs économiques sous sa tutelle, un sujet que le Premier ministre lui-même a évoqué.

Au minimum, la décence impose que l’ambition internationale de l’ancien Président soit traitée avec respect et hauteur de vue, pour projeter le Sénégal. Les attaques puériles, souvent nourries de rancunes personnelles, n’élèvent ni la démocratie ni l’image du Sénégal. Il est temps de revenir à l’essentiel : l’intérêt général !

MAKHTAR LE KAGOULARD