NETTALI.COM - Les rideaux sont tombés hier sur le dialogue national sur le système politique. Ceux qui s'attendaient à une transformation profonde du système politique risquent de désenchanter.

La montagne semble plutôt avoir accouché d'une toute petite souris. L'on s'attendait à des réformes d'ampleur, à même de propulser le Sénégal vers une rupture systémique tant prônée par le nouveau pouvoir de Pastef, mais à l'arrivée, on a plutôt droit au statu quo. Ironie du dialogue, c'est que sur bien des points, c'est la majorité de Pastef qui maintient le système, l'opposition qui pousse pour une réforme systémique. L'exemple le plus éloquent, c'est la Commission démocratie, libertés et droits humains.

Ci-après les questions essentielles sur lesquelles les représentants de la majorité ont opposé un niet parfois catégorique, parfois diplomatique. Sur le statut du chef de l'opposition, il a été noté un net recul. Défendu par l'opposition et la société civile, il a été rejeté par la majorité qui s'interroge sur sa pertinence et ses implications financières.

À propos de la déchéance dont a été victime Ousmane Sonko, la majorité semble plutôt en phase avec les lois laissées par Macky Sall, alors que l'opposition réclamait une réforme dans le sens de réserver le prononcé d'une telle sanction au juge.

La majorité s'est également opposée à la création d’un Observatoire national de la démocratie ; l’élargissement de la saisine du Conseil constitutionnel aux citoyens...

En ce qui concerne la protection de la société civile et des professionnels des médias, la majorité a estimé que le dispositif actuel est suffisant, même si elle promet quelques améliorations. Ceux qui s'attendaient donc à une révision des articles 80 et suivants devront ainsi revoir leurs ambitions. Pastef opte presque pour le surplace sur la question des droits et des libertés.

Un bilan très mitigé

Les mêmes tendances ont également été constatées au niveau de la Commission chargée de discuter du processus électoral. Là également, sur les questions les plus attendues, la majorité a oeuvré pour le maintien du système. Il en est ainsi du mode de scrutin aux élections législatives et territoriales. “Sur ce point précis, l’opposition et la société civile sont d’accord pour la mise en place d’un cadre de discussion pour mener des simulations sur la base des résultats des élections législatives et territoriales antérieures (2012, 2019, 2022, 2024) afin d’avoir un système qui reflète le plus fidèlement le vote populaire tout en garantissant une stabilité institutionnelle et la gouvernabilité du pays. La majorité propose que les modes de scrutin soient maintenus en l’état”, indique le rapport final de la commission.

Ainsi, sur les 18 points de discussion, un seul consensus a été acté contre un désaccord total. Sur les 17 autres points, ce n'est ni oui ni non.

Des conditionnalités qui vident les accords de toute leur substance

Même si, globalement, les participants se sont dits favorables au bulletin unique, ils ont soulevé des conditionnalités qui vident le “consensus” de toute sa substance. Même constat pour le vote des personnes en détention. Le principe a été retenu, mais assorti d'une étude de faisabilité qui devra porter sur les modalités de mise en oeuvre en perspective de la prochaine élection présidentielle.

Sur le basculement automatique des primo-votants, les parties l'ont rejeté, tout en trouvant quelques aménagements. Le rapport informe, en effet, qu'il y a eu un consensus sur l’inscription permanente. “Sous ce rapport, il a été convenu que le primo-électeur doit être tenu informé de son droit de s’inscrire immédiatement sur les listes électorales, dans le cadre du dispositif permanent d’enrôlement et d’inscription qui sera discuté, revu et arrêté de manière concertée et inclusive avant d’être prévu au Code électoral”.

Par rapport aux autres points qui restent en l'état, on peut noter : la dématérialisation séquentielle et progressive de tout le processus électoral, avec notamment le vote électronique. Sur tous ces sujets, il faut noter qu'ils restent extrêmement complexes et les partis pourront difficilement s'entendre sur les modalités.

Idem pour le vote des forces de défense et de sécurité, des journalistes et des magistrats lors des élections législatives et territoriales, en mission hors de leurs circonscriptions électorales. L'un des rares accords concerne la caution à déposer avant le retrait des fiches de collecte des parrainages.

Les faux accords

Parmi les accords mentionnés dans le rapport de la Commission processus électoral, il a été enregistré plusieurs points qui sont déjà dans la loi électorale. Par exemple, le maintien des durées des campagnes électorales ; la prise en compte des personnes handicapées dans le processus ; la caution ; le maintien du parrainage avec quelques aménagements que le dialogue n'a pas déterminé ; la parité ; l'audit du fichier...

Sur d'autres points, on est resté très évasif : il en est ainsi de l’institutionnalisation des débats programmatiques. Il faudra aussi surveiller ce que va donner la mise en oeuvre de l'accord sur la nécessité de rationaliser les partis politiques et le calendrier républicain, en raison des divergences notoires sur les modalités, malgré l'accord de principe qui a été trouvé. Idem pour l’élaboration d’un code ou d’une loi générale sur les partis politiques ; l’encadrement du financement public des partis politiques et des campagnes électorales ; l'amélioration du cadre juridique des libertés publiques et de la justice électorale, malgré les réserves de la majorité.

L'Exécutif garde la main sur la réforme des institutions, malgré des convergences fortes

Par ailleurs, il convient de noter que quelques accords majeurs ont été enregistrés. Parmi les plus significatifs, il y a les interdictions de cumul : (cumul des fonctions de chef de l’État et de chef de parti ; cumul de la fonction de membre du gouvernement avec celui de chef d’exécutif territorial...).

Mais la commission qui a le plus enregistré des accords, c'est celle relative aux réformes institutionnelles. Sauf que pour l'essentiel, il s'agit d'accords de principe dont la matérialisation n'est pas pour demain.

Sur la réforme de la gestion électorale, les parties ont constaté les limites du dispositif Cena–DGE actuel, notamment du fait du lien organique entre la DGE et le ministère de l’Intérieur. Ainsi, une forte majorité s'est dégagée en faveur de la création d’un organe indépendant de gestion des élections, qu’il s’agisse d’une Ceni (ou variantes : Anige, Ange, Harge).

L'organe en question devrait avoir un ancrage constitutionnel, une autonomie fonctionnelle et financière ; une composition pluraliste (majorité, opposition, société civile, experts, magistrats retraités, etc.) ainsi que des attributions étendues (gestion du fichier, organisation matérielle, proclamation des résultats provisoires, contentieux préélectoral).

Des convergences ont aussi été trouvées sur la refonte de la justice électorale, la réforme du Conseil constitutionnel. À noter que sur ce dernier point, un avant-projet de texte est déjà dans les circuits, conformément aux recommandations du dialogue sur la justice.

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