NETTALI.COM - La Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a condamné, le mercredi 14 mai, l’État du Sénégal, pour avoir porté atteinte aux droits fondamentaux de ses citoyens en suspendant l’accès à Internet et aux réseaux sociaux durant les troubles politiques de 2023.

Dans une décision rendue à Lagos, la juridiction ouest-africaine a estimé que ces interruptions constituaient une violation des droits à la liberté d’expression, à l’information et, dans un cas précis, au travail. L’affaire, enregistrée sous le n°ECW/CCJ/APP/37/23, avait été introduite par l’Association des utilisateurs des technologies de l’information et de la communication (Asutic) et son président Ndiaga Guèye, consultant en informatique. Les plaignants contestaient les restrictions imposées par les autorités sénégalaises en juin et en juillet 2023, au plus fort des tensions nées de la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko.

Dans sa décision, la cour a jugé que les coupures ordonnées par les ministères de l’Intérieur et de la Communication n’étaient ni fondées sur une base juridique claire ni conformes aux principes de nécessité et de proportionnalité. Elle a ainsi rappelé que “l’accès à Internet et aux réseaux sociaux constitue une composante essentielle de la liberté d’expression et du droit à l’information”, en s’appuyant notamment sur l’article 9 de la Charte africaine des Droits de l’homme et des peuples, et l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

La cour s’est déclarée compétente pour statuer sur les violations alléguées des droits humains et a admis les requêtes d’Asutic sur les questions de liberté d’expression et d’accès à l’information. Elle a également reconnu que les coupures avaient porté atteinte au droit au travail de Ndiaga Guèye, en tant que consultant informatique.

En revanche, elle a jugé irrecevables les plaintes d’Asutic sur le droit au travail et à la liberté de réunion ainsi que celle de M. Guèye concernant cette dernière liberté, faute de preuves suffisantes.

Ainsi, la Cour de la CEDEAO a déclaré les coupures d’Internet et de réseaux sociaux illégales ; a reconnu la violation des droits à la liberté d’expression et à l’accès à l’information d’Asutic et de Ndiaga Guèye ; a jugé que les interruptions avaient porté atteinte au droit au travail de M. Guèye, a ordonné le versement de 250 000 F CFA à l’Asutic et à M. Guèye, chacun, en réparation des atteintes aux libertés numériques ; a accordé une compensation additionnelle de 250 000 F CFA à M. Guèye pour le préjudice subi dans l’exercice de sa profession ; a enjoint au Sénégal de s’abstenir, à l’avenir, de toute restriction arbitraire ou illégale de l’accès à Internet.

Par ailleurs, les autorités sénégalaises avaient tenté de justifier les coupures par des raisons d’ordre public, affirmant vouloir empêcher la propagation de messages subversifs. Des arguments balayés par la cour, qui a rappelé que toute restriction aux droits fondamentaux doit être prévue par la loi et respecter les principes de nécessité et de proportionnalité