Mahammed, mon frère,
J’ai lu avec intérêt votre déclaration à travers laquelle, vous portez un violent réquisitoire contre le système de parrainage, dont vous accusez « les pratiques actuelles » en opposition certainement à celles passées, quand vous étiez à la manœuvre, de « balafrer hideusement notre démocratie » !
Les mots sont durs. Aussi ai-je pensé que votre déclaration, qui a plus été écrite sous le coup d’une émotion, peut être engendrée par le pressentiment de ne pas passer le cap du parrainage, dont vous fûtes un des plus ardents défenseurs, il y a quelques années de cela.
Vous aviez ainsi à la veille de l’élection présidentielle, aux côtés d’anciens chefs de gouvernement comme vous et des candidats actuels qui figuraient en ce moment-là dans le gouvernement que vous dirigiez, brillamment démontré le caractère scientifique et équitable de sa mise en application, avec les conséquences que vous aviez prédites quant aux nombres de candidats qui allaient passer ce tamis nécessaire à la marche d’une démocratie basée sur la représentativité, seul gage d’un leadership politique qui devrait légitimer les ambitions de tous les sénégalais aspirant à exercer la plus haute fonction de notre pays.
Mahammed, mon frère,
Au début de ce processus, vous aviez à l’instar des pourfendeurs de la mise en œuvre de ce parrainage accepté les règles du jeu, et mis en place une équipe dont vous aviez salué le professionnalisme, la détermination et l’engagement pour des parrainages de qualité, si bien que vous déclarâtes plus tard que cette étape était derrière vous, car vous aviez bouclé votre collecte et même constitué un stock de sécurité au cas où le besoin se ferait sentir.
Si vous aviez franchi ce cap au premier tour, vous auriez sans doute salué la performance de votre équipe, et déclaré dans la foulée que le destin était en marche. Maintenant que le sort vous semble défavorable, vous dénoncez un système que vous jugez désormais inique, et qui engendrerait une injustice que vous dénoncez avec tact, mais avec force.
Vous jetez ainsi l’opprobre sur ce mécanisme qui serait maintenant source de menaces sur la stabilité de notre démocratie, car il pourrait engendrer une déstabilisation de notre pays, en créant les conditions d’une contestation politique lourde de conséquences, sur fond de contentieux électoral en perspective !
Vous exigez donc, ou disons pour employer vos propres mots vous « demandez » au Chef de l’Etat que ce système de parrainage soit revu, et en conséquence, le processus électoral stoppé.
Mahammed, mon frère,
Je me demande si telle aurait été votre position, si vous aviez été tiré au sort parmi les premiers candidats à la candidature à passer, et que vous fussiez donc admis dès le premier tour !
Je présume que non.
Dès lors, je me demande bien cher frère, s’il est loisible à chaque acteur politique de notre pays de contester les règles du jeu, dès lors qu’elles ne lui sont pas favorables, au point de remettre en cause les grands consensus sanctionnés par un dialogue politique inclusif auquel vous avez effectivement participé, et de les ravaler au rang d’inégalités « ab initio ».
Mahammed, cher frère,
Votre déclaration est sans doute une alerte, un appel, une main tendue à toute la classe politique, pour une refondation de notre système électoral. Du moins je le prends pour tel, car à ce que je sache, vous n’êtes pas encore éliminé de la course.
Si vous passez ce second tour qui manifestement met en émoi tous les candidats dans votre cas, je sais que vous seriez un challenger à la hauteur des enjeux. Vous devez rester Homme d’Etat dans sa plus noble acception, dont le sens profond du dévouement aura marqué d’une pierre blanche la fonction de Premier Ministre, rehaussant par votre posture républicaine tout le prestige de l’Exécutif dont vous fûtes un pilier.
C’est le souhait le plus ardent que je formule pour vous.
Mahammed, mon frère,
Si maintenant le sort que vous évoquez si bien venait à vous priver de cette opportunité, revenez à la maison. Votre maison. Vous êtes un des enfants prodiges de notre peuple, et vous êtes à cet effet chevillé à la Nation sénégalaise (je le crois encore), dont vous avez été un des serviteurs.
Vos nouvelles ambitions ne doivent nullement absoudre vos obligations d’homme d’État dont la posture vis-à-vis des institutions et de ceux qui les incarnent ne peut être à la merci des aléas conjoncturels de la vie politique. Je préfère ne pas revenir sur nos valeurs africaines de fraternité et d’amitié qui doivent survivre à toutes les vicissitudes de la vie.
Enfin, j’ai la conviction, que dans votre cœur bat le PSE, et son slogan auquel vous avez donné un contenu et un sens, le Sénégal de tous, pour tous.
C’est ce Sénégal que nous construisons, en route pour l’émergence.
Votre place est à la manœuvre. Et vous y êtes attendu.
Fraternellement,

Abdoulaye Sow ministre de l'Urbanisme, du Logement et de l'Hygiène publique