NETTALI.COM- 38 candidats déjà déclarés ! Alors que le porte-étendard de la majorité au pouvoir n’est pas encore connu, ainsi que les probables dissidents de la coalition présidentielle, l’inflation de prétendants à la magistrature suprême a pris l’ascenseur. Certes, nombre de ses candidatures déclarées risquent de ne pas franchir le cap des parrainages, mais on s’achemine vers une présidentielle très disputée. L’ajout du parrainage des élus va sûrement laisser de la place à beaucoup de candidats car, pour une fois, la stratégie d’asséchement du bassin des parrains ne devrait pas peser sur certains partis politiques.

La grande inconnue, à ce jour, reste le champion de l’Alliance pour la République (APR) qui va porter l’armure, la percutive, la manica et l’ocrea du combattant pour ferrailler avec thraces et mirmillons de l’opposition. Le président Macky Sall a demandé à son parti et à ses alliés de lui faire confiance pour le choix celui qui va perpétuer sa vision et sauvegarder son héritage. Tous lui ont donné carte blanche sans se garder de lui indiquer, par des voies détournées, la voie à suivre. Les campagnes de soutien aux potentiels candidats se multiplient. Le président sortant devra s’attendre, malgré les déclarations de fidélité, à un déploiement d’oppositions farouches, de polémiques homériques et d’obstructions tenaces. Sa situation, il faut le dire, ne l’aide pas trop. Car passée l’émotion et le choc du renoncement, la vie devra désormais se faire sans lui. De nouvelles ambitions vont voir le jour, de nouvelles alliances ficelées, et les frustrations, inhérentes à la gestion politique, se feront entendre.

Dr Cheikh Diallo avait eu le flair, au lendemain de la présidentielle de 2019, d’avancer que le président Macky Sall avait été réélu pour un quinquennat de… trois ans. Il annonçait, prophétique, que les dernières années de ce mandat échapperaient au contrôle du patron de l’Apr. Aujourd’hui, la prophétie semble se réaliser. Le pouvoir, comme une fille infidèle, déploie ses charmes et donne des idées à ceux qui, naguère, ne juraient que pour leur patron. Au sein de la coalition au pouvoir, c’est la chienlit. On hésite encore sur les mots, on bute sur la réalité, mais tous ont compris que Jupiter devra rendre son sceptre. Et que sa foudre ne fait plus peur à grand monde.

Macky Sall aurait pu éviter cette difficulté en préparant, assez tôt, son dauphin. Avec le temps, les contestations se seraient calmées et son choix aurait eu le temps de déployer son habileté pour recoudre le patchwork des différents courants. « Un président de la République, cela se sème au bon moment. Ni trop tôt, ni trop tard », conseillait l’ancienne secrétaire du Parti socialiste français Martine Aubry. Le patron de BBY, habité par la tentation du troisième mandat jusqu’au dernier moment, n’a pas eu le temps de travailler le sol apériste en profondeur, de le drainer et de le nourrir pour y planter les graines de sa succession. Avis de gros temps donc sur la coalition au pouvoir ! Et Macky Sall a tout intérêt à bien méditer ces lignes de Carl von Clausewitz : « La surprise est un art qu’il faut exercer avec discernement. Ses effets ont cela de particulier qu’ils provoquent un relâchement violent des liens de l’unité ».

*Le pouvoir au peuple*

Pour en revenir à la floraison de candidatures à la présidentielle, elle doit être appréciée à l’aune d’une approche utilitaire et opportuniste de la politique qui juge toute action en fonction de son intérêt immédiat et de son apport tactique. Nombre de candidats sont, en vérité, dans une stratégie de positionnement auprès du candidat le mieux placé pour remporter la présidentielle. Une manière pour eux de tirer une sorte de légitimité dans un soutien généralement apporté au second tour pour participer à la gestion du pouvoir. Le meilleur service que le président sortant pourrait rendre à la démocratie sénégalaise, c’est de favoriser la participation de tous ceux qui sont en capacité de franchir les barricades du parrainage. De faire en sorte que le prochain élu ne soit pas un président par défaut mais plutôt celui qui reflétera véritablement l’expression de la volonté des Sénégalais. La démocratie n’est-elle pas le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple ? Ne choisissons pas à la place du peuple !