NETTALI.COM - Le vieux lion Lula se lance samedi dans la bataille présidentielle au Brésil, prêt à en découdre, à 76 ans, avec le président d'extrême droite Jair Bolsonaro, dans un duel qui s'annonce féroce et dont il est pour l'instant le favori.

Douze ans après avoir quitté le pouvoir avec un taux d'approbation stratosphérique (87%), Luiz Inacio Ljula da Silva, icône de la gauche brésilienne toujours sans successeur, relève le gant.

Il doit annoncer sa candidature devant 4.000 sympathisants réunis dans un centre de conventions de Sao Paulo, levant ainsi ce qui était un secret de polichinelle.

Il s'agit de la sixième candidature à l'élection présidentielle du chef du Parti des travailleurs (PT), figure aussi résiliente qu'incontournable du paysage politique du Brésil, qu'il a dirigé lors de deux mandats (2003-2010).

Faute de candidat qui rendrait viable une troisième voie, Lula est le seul à pouvoir battre dans les urnes un Jair Bolsonaro (67 ans) qu'il distance dans tous les sondages, mais qui semble prêt à tout pour conserver le pouvoir.

"Je ne pensais plus être candidat de nouveau"

"Le combat promet donc d'être âpre entre deux hommes que tout oppose, et qui se détestent.

La présidentielle des 2 et 30 octobre témoignera de l'extrême polarisation de l'immense pays émergent de 213 millions d'habitants.

"Quand j'ai quitté la présidence, je ne pensais plus être candidat de nouveau", a confié cette semaine Lula au magazine américain Time.

Mais l'ancien syndicaliste estime que son héritage --réduction des inégalités, politiques sociales, promotion de l'éducation-- a été "détruit, démantelé".

"Je crois être capable de faire plus et de faire mieux que ce que j'ai déjà fait", a-t-il dit à Time.

Mais le contexte était alors tout autre. La croissance, avec l'envolée des cours des matières premières avait permis à Lula d'extraire 30 millions de Brésiliens de la pauvreté.

Dérapages

Cette nouvelle candidature a un goût de revanche pour l'ex-président, dont le bannissement de la course en 2018 avait permis l'élection facile de Jair Bolsonaro.

Alors qu'il était emprisonné un an et demi pour corruption jusqu'en novembre 2019, la carrière politique de l'ex-métallo semblait terminée. Jusqu'à ce que la Cour suprême annule ses condamnations en mars 2021.

Lula s'est toujours dit victime d'une conspiration politique destinée à l'empêcher de concourir en 2018 alors qu'il était --déjà-- le favori dans les sondages.

Mais pour des millions de Brésiliens, Lula et le PT incarnent toujours une corruption insupportable.

Une image à gommer pour Lula, de même que le malaise créé par ses nombreux dérapages récemment: déclarations polémiques sur l'avortement, sur la police ou sur les classes moyennes.

Dans son interview à Time, il s'en prenait aussi au président ukrainien Volodymyr Zelensky, ce "bon humoriste (...) qui se donne en spectacle" et est "aussi responsable" de la guerre dans son pays que son homologue russe Vladimir Poutine.

L'écrivain Paulo Coelho a dénoncé dans un tweet l'"incontinence verbale" de Lula et, selon The Intercept, l'entourage même de l'ancien chef d'Etat l'incite à prendre un peu de repos.

"Plus près des électeurs" 

Mais dès la semaine prochaine, Lula va partir en campagne et sillonner le pays --comme le fait depuis des mois le président-candidat Bolsonaro-- en commençant par l'Etat du Minas Gerais (sud-est).

"S'il veut vraiment gagner l'élection, Lula doit aller dans la rue, comme Bolsonaro, être plus près des électeurs", dit à l'AFP Sylvio Costa, fondateur du site Congresso em foco.

Il a formé un ticket avec Geraldo Alckmin (69 ans, centre droit), comme vice-président. L'ancien gouverneur de Sao Paulo, s'il n'a pas le charisme de Lula, est là pour rassurer l'électeur du centre et de la droite modérée.

Il ira prochainement à la rencontre du puissant agronégoce et des évangéliques, qui ont joué un rôle majeur dans l'élection de Bolsonaro.

Mais Alckmin a été testé positif au Covid-19 vendredi et c'est de chez lui, en visioconférence, qu'il va participer au lancement de la campagne.

Lula doit aussi combler, au moins un peu, son déficit sur les réseaux sociaux face à un clan Bolsonaro qui les utilise comme une machine de guerre.

Déjà, sur Instagram, il se jette avec entrain dans les vagues et porte des lunettes fluo très tendance.

(Avec AFP)