CONTRIBUTION - IL est grand temps pour  chaque patriote préoccupé par la survie d’une Ecole publique, de s’interroger sur  le différend entre le Gouvernement et les organisations syndicales d’Enseignants, autour  du slogan  «respect des engagements pris », qui persiste au point  d’hypothéquer l’avenir de toute une jeunesse, de jeter  le discrédit  sur  un secteur aussi névralgique,  pour un pays en Développement, qu’est l’Ecole publique.

Au-delà le discrédit  va éclabousser  toute une  profession aussi noble que celle d’Enseignant, tout le mouvement syndical dont la mission reste d’utilité publique.  Hélas les deux protagonistes  n’ont pas l’air de  comprendre et de prendre  la  pleine mesure des conséquences dramatiques sociales,  économiques et morales  de leurs postures.

Les grèves cycliques ( chaque début d’Année scolaire) répétitives à souhaits ( N plans d’actions tout le long de l’année) au niveau de  l’Ecole publique et particulièrement au Moyen Secondaire, ont des conséquences  incommensurables, immédiates avec la baisse de niveau des élèves, le désenchantement et la désaffection pour les études, la substitution précipitée de l’offre privée d’Education, non orthodoxe et anti-démocratique,  à l’offre Publique d’Education. Les conséquences sur le long terme,  sont plus destructrices  pour la cohésion  sociale avec la persistance  des clivages sociaux, de la pauvreté chez les ménages à faibles revenus, une faible capitalisation de Ressources Humaines de qualité capables de porter le Développement du pays, un frein au nivellement des classes sociales  dont l’Ecole publique reste l’outil privilégié.

De quoi s’agit- il au cœur de tout ce branle-bas à répétition ?

Le prétexte est toujours le même « Non respect des Accords ou engagements signés». La légitimité pour un syndicat de se battre sur des questions de bien-être ou qui participent au Développement de son secteur, avec ou sans accord,   ne se dispute pas à fortiori,  pour un  Accord signé,  mais l’opportunité, la forme et la pertinence de la forme d’action, de même que la responsabilité du syndicat dans la recherche de solutions, ne peuvent échapper à la critique ou  à  une appréciation à l’aune de ce qui est demandé et du spectre des effets produits. C’est dans ce cadre que j’invite en tant qu’initiateur de la plupart de ces Revendications et co-Rédacteur du projet de protocole en question, à  s’arrêter sur ce qui fait bouger les syndicats pour savoir si malgré la légitimité de la Revendication, les formes d’action en cours et les conséquences de celles-ci sur le devenir des Apprenants, sont justifiées  et conformes l’éthique syndicale et  au sacerdoce de l’Enseignant.

La vérité des faits  sur l’Accord cadre de 2014 et ses pendants ( nouveaux engagements  de mise en œuvre de 2016, 2017, 2018) est qu’il fait suite à un inventaire exhaustif en 2012 à l’avènement de la deuxième alternance de toutes les questions qui agitaient le Monde de l’Education depuis des décennies dans un souci d’évaluer celles-ci, de tout solder  pour  mettre un  terme aux  perturbations  endémiques dans le système scolaire et aller vers un climat apaisé.

L’inventaire avait permis de revisiter  presque une centaine de points de revendications,  dont certaines totalement évacuées, mais par défaut de mise à niveau, revenaient dans certaines plateformes de nouveaux syndicats. Celles-ci étaient élaguées  et l’on se retrouvait avec un peu plus d’une cinquantaine de questions réparties en  deux Tableaux de bord : 1) Accords signés en cours de réalisation, 2) Accords signés non encore réalisés et questions nouvelles dont celle de l’alignement qui s’est ensuite muée pour non pertinence, en « système de rémunération des Agents de la Fonction Publique », l’extinction du corps des Instituteurs Adjoints, parcelles pour les Syndicats qui n’en disposaient pas encore.

L’ensemble des ces deux tableaux disponibles chez tous les Acteurs avoisinaient la cinquantaine et de ce passif du Régime précédent, en 2014 il ne restait plus que 33 questions, objet du fameux protocole sur lequel il ne reste que  trois questions : 1) lenteurs administratives 2) création du corps des Administrateurs scolaires 3) le système de Rémunération de la Fonction Publique, désarticulé par le régime précédent sur aucune base légale. IL faut souligner que sur cette revendication qui est une question nouvelle il n’y a pas encore d’accord et le seul engagement qui était pris était de commanditer une Etude et d’ouvrir des discussions, et l’Etude a été faite et le Président à plusieurs rencontres avec les centrales (1er Mai) avec les syndicats d’enseignants, a exposé la complexité de la question et a renvoyé la question aux syndicats pour des propositions.

Sur  les lenteurs Administratives, le gouvernement s’est engagé à y mettre un terme avec la dématérialisation qui a commencé  mais l’universalisation n’est pas pour demain compte tenu des nombreuses contraintes techniques, financières,  logistiques liées à cela. Ce pendant le vrai problème est qu’il ya un euphémisme de la terminologie « lenteurs Administratives », sur lequel joue aussi bien le Gouvernement que les syndicats car il s’agit plutôt de la dette de l’Etat vis-à-vis des Enseignants qui va crescendo avec l’effet boomrang  de la satisfaction de certaines Revendications essentielles (extinction   de corps et leur basculement, reclassement dans des  corps supérieurs); les Syndicats  n’ignorent donc pas les raisons de l’embouteillage des dossiers administratifs  et les raisons du cumul de la dette et  ont des scrupules  de dire haut  leurs préoccupations sur cette question à cause d’une certaine opinion négative qu’ils se sont forgée  mais mieux ont trouvé avec le Ministère des Finances un modus opérandi.

C’est pourquoi l’Etat gère à sa façon  ces supposées lenteurs planifiées  de règlement de la lourde dette pour des raisons macro et micro-économiques (surveillance extérieure des agrégats).  En outre même si on peut réduire les durées,  les  procédures  restent une doctrine pour toute administration fiable.

Sur la création du corps des Administrateurs scolaires, le hic est qu’il existe un Decret suite à une injonction des bailleurs qui met fin à la possibilité de créer dans la Fonction publique de nouveaux corps et le débat entre corps et  fonction n’a pas été vidé au niveau syndical (je suis initiateur de la proposition des 3 catégories, Elementaire, Moyen et secondaire). L’idée est pertinente surtout pour le moyen secondaire où l’on gère  des Budgets assez consistants mais aussi un patrimoine mobilier et immobilier important et où les scandales ou le laxisme, sont notés dans la gestion, faute de formation  en gestion des chefs d’Etablissements,  sélectionnés sur la base de l’ancienneté.

La réponse à cette  demande est pourtant simple dans ce contexte de libéralisation de l’offre supérieure de professionnalisation avec les Masters professionnels, il suffit tout simplement de filer la question aux Universités en circonscrivant l’accès aux enseignants pour les Raisons pédagogiques. A défaut  il suffit d’ajouter dans la Formation des Enseignants un module sur le Management où les notes obtenues sur ce module pourraient entre autres servir de critère discriminatoire au poste de chef d’Etablissement.

Sur le « système de rémunération » là aussi il ya un problème de terminologie. Le système de rémunération basé  sur l’arrimage d’un corps à une hiérarchie et l’affectation d’une grille indiciaire à chaque hiérarchie (indice de base et indice plafond) et ou le salaire de base est calculé avec  la valeur nationale du  point indiciaire,  reste basique et indemne de tripatouillage, mais le tripatouillage se trouve au niveau du système indemnitaire qui répond en général à des servitudes particulières, différenciées  selon les corps, les conditions de Travail,   Mais de telles indemnités sont compensatoires, normées  et fondées par la Loi. Ce qui n’a pas été le cas avec les nouvelles indemnités accordées injustement  et sans fondement juridique  à certains corps ou à des Agents de certains Ministères, sous la barbe du gardien du Temple, le Ministère de la Fonction Publique.

Les Enseignants ne sont pas les seules frustrés et ne peuvent pas à eux seuls porter le combat qui  revient aux organisations faîtières de Travailleurs, les centrales syndicales qui si elles n’ont pas de scrupules de principes surannés peuvent faire des propositions applicables à tous. Ici, aussi bien le Gouvernement que les syndicats sont dans l’embarras car objectivement le nivellement par le haut n’est pas soutenable pour l’Etat  et il l’a dit et répété aux Centrales syndicales et aux Syndicats d’enseignants qui agitent la question et ces Syndicats au nom du principe « du bien acquis » n’acceptent qu’on puisse revenir sur une « forfaiture »  de gestion considérée comme  « bien acquis » mais injustement et illégalement.

Ce n’est pas donc pour Demain la solution de ce problème. Les Enseignants doivent comprendre que c’est pour contourner la difficulté, en attendant une solution pérenne que le Gouvernement sensible à la question  a agi  de manière spécifique sur certains leviers en faveur de certaines catégories (indemnité de logement qui passe de 60.000F à 100.000F). L’intelligence stratégique  dicterait un changement de fusil d’épaule en ce concentrant sur  les problèmes de son Secteur  et de sa Corporation et laisser aux centrales la gestion des questions transversales, nationales et transnationales.

Alors au regard de ce qui précède et reste du protocole de 2014 et de ces avenants y a-t-il des raisons valables pour mettre en péril l’avenir de milliers de jeunes. Je dis nonil n’y a pas de quoi fouetter un chat,  pour avoir été acteur de toute la lutte  et artisan des acquis majeurs du mouvement syndical ouvrier en général et enseignant en particulier,  de 1973 à nos jours,   posture qui me permet de pouvoir apprécier en toute objectivité ce que les régimes successifs ont fait pour l’Ecole et les Enseignants et attester que ce qui a été fait pour les Enseignants de 2012 à  maintenant  est sans commune mesure  avec ce qui a été fait durant les cinquante Années précédentes. Il nous faut donc revenir à la raison, bannir la surenchère politico syndicale qui a fini par banaliser la Grève, éroder le capital confiance à l’Enseignant.

Comment comprendre qu’un syndicat d’obédience régionale et catégorielle puisse se permettre de dérouler en trois mois plus de six plans d’action sur une question nationale ?  Non ce que nos cadets doivent comprendre est que  même si l’identité conceptuelle du syndicat reste rigide, il faut tenir compte des perceptions  qui, elles , évoluent en fonction des contextes et que le syndicalisme dans nos pays en Développement ne peut plus se limiter à la défense des intérêts matériels et moraux de ses membres mais au-delà, il ya une responsabilité sociétale à assumer en guise de contribution au progrès social des communautés.

En outre nos jeunes syndicalistes doivent se mettre dans la tête qu’en négociations, le gouvernement ne vient jamais avec des solutions mais avec des réponses à des potentielles propositions faites par ceux d’en face, ainsi si vous n’avez de propositions, le Gouvernement ne se lasse pas de tourner au tour du pot avec vous.Pour toute question le syndicat doit partir à la table avec des propositions et des alternatives de solutions et non  brandir des menaces devant les organes de presse ou de rivaliser de plans d’actions. La grève sauvage doit être bannie des mœurs syndicales. Devant le désespoir et l’angoisse existentielle née du Covid qui est toujours là, je demande aux camarades de ne pas en rajouter et de se donner Rendez-vous en 2023 avec la vente du premier baril dés lors que, malgré la récession les gens continuent d’être alignés et que les salaires tombent régulièrement.

En fin du côté du gouvernement également il faut le noter pour s’en désoler, un louvoiement  sur le monitoring du Dialogue social en général,  des négociations collectives en particulier avec les organisations professionnelles, qui cache mal une certaine  carence de leadership gouvernemental qui obère l’esprit de suite et la lisibilité des efforts faits alors que les  ministères  et les institutions dédiés à cet effet sont bien connus (Ministère de la Fonction Publique, ministères de tutelle, Finances, Haut conseil du Dialogue Social, Comité du Dialogue Social Education). Aussi a-t-on l’impression d’un piétinement et d’un perpétuel recommencement, source de nombreux attermoiements.

IL faut sauver l’Ecole Publique et la tâche incombe plus aux Enseignants et à leurs Syndicats qu’à l’Etat comme je le  soulignais dans un précédent Article.

Waly Ndiaye  Syndicaliste, Ancien Conseiller Technique, Ministère de la Fonction Publique, du Travail et des organisations professionnelles,   co- rédacteur du projet de Protocole d’Accord  de 2014 .