NETTALI.COM - A ton eu affaire à un Président qui a cédé à la pression de la rue en décidant d'assouplir l’état d’urgence et le couvre-feu ? Beaucoup de quotidiens, de commentateurs de la presse et de voix au cours de débats télévisés et des échos, partis des réseaux sociaux, ont semblé accréditer cette thèse. Des mesures d’assouplissement qui n’ont en tout cas pas toujours été prises dans la sérénité la plus totale. 

Ahmed khalifa Niasse annonce en grande pompe, la teneur de ses conversations avec le président de la République, en relation avec les événements de Léona Niassène au cours desquels, l’Imam décide de braver l’interdiction de fermeture des mosquées.  Il annonce un changement d’horaire prochain du couvre-feu de 22 h à 6 h du matin. Le chef de l’Etat le contredit et décide de changer l’horaire de 21 h à 5 h du matin. Certains l’interprètent alors comme un acte visant à éventer l'effet d’annonce du marabout politicien afin de ne pas lui attribuer la paternité de la décision. Léona Niassène avait dès lors réussi son bras de fer et le Président sauvera son honneur de dirigeant dans cette confrontation.

Il ne fallait surtout pas encourager des violences où des affrontements, surtout dans un contexte où les rassemblements ne sont pas indiqués. On se rappelle de ces foules immenses sorties pour apporter leur soutien à l’Imam, surtout après que le calife a décidé de s’en mêler. Des attroupements qui devaient faire plus de mal que même l’ouverture des mosquées.

Récemment, alors que les Sénégalais pensaient que le Président allait, lors de sa dernière décision, tout simplement lever le couvre-feu, il change l’horaire de 23 à 5 h du matin.

Des situations qui semblent prouver qu’avec Macky Sall, l’on est jamais au bout de ses surprises. Des analystes ont ainsi commenté cette propension à aller à l’encontre de ce qui est attendu comme un trait de la personnalité du président qui n’aimerait point agir sous la contrainte.

Sauf que pour ce coup-ci, beaucoup de titres et de médias ont été unanimes à constater que le Président a tout simplement cédé à la pression de la rue. « Reculade de l’Etat ou oreille attentive des complaintes d’un peuple ? », « la rue desserre l’étau », « Macky capitule une nouvelle fois », « Macky rétropédale », « Macky décode le message de la rue », « Macky en feu de recul », « l’Etat ouvre la voie » etc,  pouvait-on lire à la une de bon nombre de titres de la presse écrite du vendredi 5 juin. Certains de ses partisans, pour nuancer l’impact de la reculade de Macky Sall, ont vite fait de relever que des signaux et des fuites dans la presse, laissaient déjà entrevoir une orientation à l’assouplissement. D’autres feront savoir que le chef de l’Etat gouvernait pour le peuple et partant de ce fait, sa mesure est salutaire et reste une décision de raison.

Le colonel Ndao, officier à la retraite lui, a une lecture différente des manifestations qui ont conduit à ces décisions d’assouplissement. « Il n’y a pas d’actions spontanées. C’est quelque chose d’organisé», a d’emblée fait savoir celui-ci sur la TFM, ajoutant que la plupart des manifestants, sont des transporteurs qui ont des problèmes et qui ont estimé n’avoir pas été écoutés. Le colonel qui analyse l’origine des manifestations y voit la main d’activistes qui profitent toujours des situations de crise pour mener des actions.

Quid de l’efficacité des décisions du gouvernement ? Abdoul Aziz Ndao pense ni plus, ni moins que les décisions ne sont pas rapides. « Entre samedi et mercredi, le gouvernement était en train de voir quelles mesures prendre. » Et M. Ndao, de déplorer « l’absence d’un comité restreint composé de forces de sécurité et qui doit analyser les problèmes et montrer au président quelles décisions prendre. » « Si ce comité existait, relève-t-il, il aurait élaboré ses stratégies et tactiques et indiqué la voie. » « On perd en rapidité dans la décision. Vous voyez ce qui se passe, la décision est prise et le ministre des Transports doit encore aller discuter avec les acteurs. », fait remarquer l’officier supérieur à la retraite.

La gestion de cette pandémie a en tout cas révélé à la face du monde à quel point le virus est redoutable et combien il a déstabilisé de gouvernements, de par le monde. Des présidents Trump en passant par Bolsanaro du Brésil et Emmanuel Macron de la France. Le virus a fait ressentir toute sa puissance au monde mais surtout ses effets néfastes au niveau économique. Il a également révélé les errements et cafouillages de l’Organisation mondiale de la santé (Oms).

Elle a sans aucun doute montré à quel point une certaine partie de la communauté scientifique est sous le joug des laboratoires pharmaceutiques bien plus intéressés par le profit que les progrès de la science.

Le Sénégal avait  pourtant bien géré la pandémie aux premiers moments de la crise. Mais à mi-chemin, il a fini par pêcher non seulement par une réduction des efforts du début mais encore par le manque de transparence dans la gestion des vivres qui a fait les choux gras de la presse.  Elle a davantage pêché dans la communication, mais surtout dans l’articulation du déconfinement progressif où l’on a plus senti du pilotage à vue, un manque de réactivité et surtout un déficit de cohérence dans les décisions.

Récemment, le ministre de la Santé a informé que le Sénégal a atteint la période de pic. Les cas communautaires explosent. Vendredi 5 juin, sur les 1 700 tests réalisés, il y a eu un taux de positivité de 7,8 %, d’après le communiqué du ministère de la Santé et de l’Action sociale. Il s’agit de 104 cas contacts et 30 cas issus de la transmission communautaire répartis entre Touba, Poponguine, Parcelles-Assainies, Guédiawaye, Malika, cité Keur Khadim, HLM, Grand-Yoff, Ben Tally, Pikine, Hann, Ouakam, Dieuppeul, Keur Mbaye Fall, Rufisque, Thiès, Bounkiling et Mbacké. Le Sénégal a ainsi enregistré ce vendredi un nouveau record de contaminations quotidiennes. Et si la même tendance se poursuit toute la semaine, le pays va certainement vers un nouveau pic. Une notion de pic qui aurait en tout gagné à être beaucoup plus explicite.

Pour l’heure, il est recommandé aux Sénégalais de vivre avec le virus.

Mais la récente sortie du coordonnateur des centres des opérations d’urgence sanitaire (Cous), Docteur Abdoulaye Bousso, n’est pas des plus rassurantes. « Nous sommes partis de 8 décès à aujourd’hui 47 décès. Ce qui veut dire que nous sommes dans une phase de transmission et nous avons plus de cas », a déclaré M. Bousso samedi 6 juin, au moment de faire la situation mensuelle de la Covid-19 dans le pays. Alors que les restrictions ont été levées par l’Etat.  Le Dr Bousso souligne qu’un certain nombre d’indicateurs devront être analysés différemment. « Nous allons avoir une difficulté à pouvoir suivre tous les contacts. Une stratégie devra être développée pour voir comment on va suivre les contacts. Notre stratégie actuelle devra forcement évoluer, parce que les populations vont bouger d’une région à l’autre, d’un département à l’autre. La question qu’on doit se poser, est comment suivre les contacts et la pertinence de suivre ces contacts », a ajouté le médecin qui n’a pas manqué de prévenir : « nous ne sommes pas encore sortis de l’auberge. On peut passer à une situation beaucoup plus grave, si on n’y prend pas garde. Et si on va dans une situation grave, c’est des cas graves et une mortalité qui vont être plus élevés. Nous en appelons au sens des responsabilités de certains, surtout les plus jeunes, pour protéger nos personnes âgées et celles vulnérables. C’est vrai qu’on doit vivre avec le virus, mais je pense qu’il faut plutôt dire : circuler, protéger » Et M. Bousso d’insister sur les mesures barrières : « Si elles ne sont pas respectées, on peut arriver à une situation très difficile » avant de balancer une phrase qui doit en alerter plus d’uns : « Nous sommes actuellement sous stress, on le reconnait ».

Le coordonnateur du Cous est même allé plus loin dans son constat. Il a ainsi informé que de la difficulté du système de santé, d’absorber 4 000 patients, avançant que  l’analyse des cas communautaires devra se faire différemment. Car, dit-il, ces cas vont être de plus en plus importants.

Pour l’heure, le constat est qu’on a semblé avoir eu plus affaire à des décisions d’ordre politique qu’à des motivations médicales précises. L’épidémiologiste Cheikh Sokhna et non moins collègue du Docteur Raoult, a fait une déclaration choc à la une de L’Observateur de ce week-end : « Qu’on le dise ou pas, l’Etat nous a laissés avec le virus ». Comment faut-il interpréter cela ?  Peut-être que l’aspect immunitaire que l’on cherche à faire prospérer en laissant le virus circuler, pourrait bien tenir la route. Qui sait ?

 

Ils étaient Charlie, mais pas Floyd !

L’attitude des dirigeants africains laisse songeurs ? Ils étaient Charlie, mais pas Floyd ! Et pourtant le sort des Noirs, à la même couleur de peau, devrait bien plus les préoccuper. En Amérique, les stigmates de l’esclavage subsistent, alors que nous sommes en 2020 et bien loin du mouvement pour les droits civiques (de 1954 à 1968) qui visait à établir une réelle égalité des droits civiques pour les noirs américains en abolissant la loi qui instaurait la ségrégation raciale, est pourtant bien loin.

Des témoignages de comportements racistes de policiers aux Etats-Unis, il y en a beaucoup. Mais celui de ce policier de Philadelphie, Ray Lewis sur « Spicee » qui a effectué 23 ans de service dans la ville, est sans appel. L’expérience qu’il relate est assez représentative de cette réalité que vivent les Noirs dans ce pays dénommé « pays de la liberté ». Le témoignage est tout simplement affligeant, choquant. Ce policier à la retraite qui, aujourd’hui milite ouvertement  contre le racisme dans la police, n’a pas hésité à lancer un appel contre  « les meurtres des noirs par des policiers comme s’ils étaient des animaux ».

Se rappelant de ses moments d’activités, M. Lewis de mettre en cause la course aux chiffres qui impose aux policiers de combler leurs déficits par l’arrestation de personnes noires. Mais là n’est pas le seul fait qu’il dénonce. Pour ce retraité, beaucoup de policiers sont ouvertement et sans raison, racistes et respectent beaucoup plus les blancs. Pour ceux-là, nous informe l’ancien officier, le noir a moins de valeurs à leurs yeux que le blanc. Un fait qui se ressent lors des contrôles. A un blanc, l’on demandera gentiment de présenter ses papiers en ces termes : « voudriez-vous nous présenter vos papiers Svp ? ». A un noir, on demandera avec véhémence de sortir de sa voiture. Ce qui a pour conséquence d’engendrer des contestations qui peuvent conduire à l’irréparable. Pour Lewis, les blancs ont du pouvoir et arrivent facilement à se tirer d’affaire en appelant facilement l’élu du coin. Ce qui n’est pas le cas des noirs qui n’ont pas ce réseau relationnel. Chose infamante et inacceptable pour l’ancien policier.

Celui-ci est d’ailleurs choqué par le terme « cafards » que ses collègues utilisaient pour désigner les noirs dans la rue lorsqu’ils se tenaient en nombre important sur la devanture de leurs maisons durant les périodes de chaleur, car beaucoup ne disposent pas de climatiseurs. Pour M. Lewis, quand on arrive à ce niveau de comparaison en assimilant les noirs à des cafards, donc des insectes indésirables dans les poubelles, cela signifie qu’on peut les tuer facilement.

Se remémorant ses postures de l’époque, le policier à la retraite se rappelle s’être parfois laissé entraîner par ses collègues dans cette banalisation quotidienne du racisme en deux occasions, avant de se ressaisir. Tout au plus, il finissait par penser qu’il se devait d’être professionnel et humain.

Les manifestations dans les villes d’Amérique et dans le monde entier, les saccages des commerces, ont-ils eu raison du changement de posture de la justice ? Le parquet a tout cas fini par requalifier les faits en homicide volontaire et retenir la complicité des autres policiers sans réaction au moment des faits. Une situation inédite qui a en tout cas pris beaucoup plus d’ampleur qu’avant. Elle montre que l’affaire est cette fois ci bien plus prise au sérieux.