NETTALI.COM - Les protagonistes du dialogue politique n’arrivent pas à accorder leurs violons sur des questions afférentes à la décrispation de l’espace politique (qui doit prendre en charge l’affaire Khalifa Sall et Karim Wade), le cumul des fonctions de chef de parti et président de la République, l’organisation des élections par une personnalité neutre. Dans un entretien avec EnQuête diffusé ce samedi, l’enseignant-chercheur, Moussa Diaw, qui semble prédisposé à une vision sombre de l’avenir de ces concertations, en analyse les désaccords.

Le dialogue initié par le chef de l’Etat au lendemain de sa réélection en février 2019 va-t-il connaitre le même destin que celui tenu en 2016 ? En tout cas, les acteurs sont loin de concrétiser le consensus. A cet égard, interrogé par EnQuête, l’enseignant-chercheur à l’Université Gaston Berger de St-Louis, Moussa Diaw, semble pessimiste.

« C’est parce qu’il y a un problème de sincérité de la part des initiateurs de ce dialogue. Ils ne veulent pas qu’il y ait un changement, parce qu’il y a un enjeu important par rapport à ces questions, notamment le cumul de fonctions, l’organisation d’élections par une personnalité neutre. C’est une question de contrôle du processus électoral qui est fondamental dans l’organisation d’élections. De façon générale, ce sont des questions de fond qui méritent d’être discutées, qui n’ont pas trouvé de consensus. La majorité ne veut pas céder sur ces questions et l’opposition aussi en fait un sujet important pour l’ancrage de la démocratie et l’organisation d’élections transparentes et libres. À mon avis, s’il n’y a pas de consensus à ce niveau-là, je ne vois pas quel est l’intérêt de maintenir le dialogue politique, si personne, parmi ces acteurs, ne veut céder sur ces questions fondamentales qui permettent d’avancer dans le processus démocratique, notamment l’organisation d’élections transparentes. Le président Wade avait cédé sur cette question-là et a perdu les élections. À mon avis, c’est cela qui les a fait réfléchir. Sur les sujets de fond, on a du mal à rapprocher les points de vue des uns et des autres pour aboutir à des consensus. Le président avait dit que s’il y a des résultats consensuels au terme du dialogue national, il va les appliquer. Il a même ajouté, récemment, ce qui fait d’ailleurs douter, le “consensus dynamique’’. Je ne sais pas ce qu’il entend par ce terme», dira M.Diaw.

L’opposition demande le constat d’un désaccord, ce qui serait synonyme de rupture pour le général Niang. Sous ce rapport, l’enseignant pense : « Oui, pour des questions comme celle liée au cumul de fonctions, s’il n’y a pas d’entente, cela ne fera qu’envenimer la situation et renforcer un climat de tension. Le président de la République ne peut pas être juge et partie. Dans les grandes démocraties comme la France, qui est notre référence, le président, quand il est élu, il cède son parti à quelqu’un d’autre. Le chef de l’État ne veut pas céder, parce que sa formation politique n’est ni structurée ni organisée. Cela se traduit par des problèmes internes qu’il n’arrive pas à régler. C’est pourquoi il s’accroche à cette fonction-là, qui lui permet d’avoir un droit de regard, parce qu’il n’a pas de n°2. C’est problématique et c’est un frein au renforcement de la démocratie sénégalaise ».

A la question de savoir si le dialogue a des chances d’aboutir, Moussa Diaw répond par la négative, le phrasé tranchant. « À mon avis, il n’aboutira à rien de concret. Les questions importantes ne sont pas abordées de manière à ce que chacun accède à des concessions et qu’on puisse trouver des compromis sur lesquels ils seront d’accord pour l’ancrage de la démocratie, afin d’apaiser et instaurer un climat de confiance entre les partis. Malheureusement, tel n’est pas le cas. On va droit vers un blocage. On s’achemine vers l’arrêt de ce dialogue qui n’a pas de sens et qui ne peut pas régler ces problèmes de fond », conclut-il.